Quelques mots pour mettre fin aux minerais de sang
Une coalition de 58 organisations non gouvernementales (ONG) – dont GreenIT.fr fait partie – appelle la Commission européenne à adopter une législation stricte visant à empêcher les entreprises européennes d’alimenter les conflits et les violations des droits humains en achetant des ressources naturelles telles que l’étain, l’or et les diamants. L’appel est lancé en amont d’un projet de législation qui doit être publié par la Commission d’ici à la fin 2013.
Le rapport « Rompre le lien entre ressources naturelles et conflits : les arguments en faveur d’un règlement européen» (voir la pièce attachée à cet article), publié il y a quelques jours, énonce les éléments clés qui doivent être inclus dans la législation communautaire afin de contraindre les entreprises européennes à exercer un « devoir de diligence » approfondi sur leurs chaînes d’approvisionnement. Il s’agit de contrôles pour permettre aux entreprises de s’assurer qu’elles n’utilisent pas ou ne font pas le commerce de ressources naturelles qui financent la violence.
Mettre fin à une réalité sordide mais oubliée de l’occident
« Cela fait des décennies que le commerce des minerais, des pierres précieuses et autres matières premières joue un rôle central dans le financement et l’alimentation de quelques-uns des conflits les plus brutaux au monde », a expliqué Sophia Pickles de Global Witness. « Le document de recherche que nous publions aujourd’hui prouve que cette réalité reste le lot quotidien des populations de pays riches en ressources partout dans le monde, notamment en République démocratique du Congo, en Colombie, en Birmanie, au Zimbabwe et en République centrafricaine, où la violence constitue un obstacle majeur au développement. »
« En tant que plus grand bloc commercial au monde et berceau de nombreuses firmes mondiales de premier plan se consacrant au commerce et à la transformation des ressources naturelles, l’UE exerce sur les chaînes d’approvisionnement mondiales une influence extrêmement importante », a souligné Chantal Daniels de Christian Aid. « L’UE ne peut manquer l’occasion qui s’offre à elle d’adopter une législation stricte et efficace. Si elle ne saisit cette opportunité, les affaires continueront comme d’habitude et la plupart des entreprises ne contrôleront pas si leurs achats ont financé un conflit », a ajouté Zobel Behalal du CCFD-Terre Solidaire.
Les Etats-Unis et l’OCDE ont déjà agi dans ce domaine
La coalition d’ONG appelle l’UE à mettre à profit la dynamique générée par des initiatives telles que la disposition américaine de la Loi Dodd Frank relative aux minerais des conflits, et à exiger que les entreprises basées dans l’UE appliquent des contrôles sur leurs chaînes d’approvisionnement qui répondent aux normes internationales de diligence raisonnable élaborées par l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE). Les États membres de l’UE ont déjà approuvé le Guide OCDE et ce cadre constitue la base de plusieurs initiatives de l’industrie en matière d’approvisionnement responsable au niveau mondial.
La coalition recommande que le projet de législation de l’UE :
- S’applique à toutes les ressources naturelles provenant de toute zone affectée par un conflit ou à haut risque ;
- Se fonde sur des instruments internationaux pertinents, notamment la Charte internationale des droits de l’homme, les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, ainsi que le Guide OCDE sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque ;
- Adopte une approche basée sur le risque qui prend en considération l’impact sur les personnes et les communautés ;
- Complète les initiatives et règlements existants de l’UE visant à promouvoir la transparence et le développement durable et s’inscrive dans une approche intégrée visant à prévenir la destruction de l’environnement, à renforcer la gouvernance et à encourager une réforme du secteur de la sécurité et de la législation minière dans les pays en développement riches en ressources naturelles.
« Le fait d’exercer un devoir de diligence est bénéfique pour les entreprises européennes, ne serait-ce que parce que cela les aide à gérer le risque pour leur image de marque et à s’assurer qu’elles ne financent pas une guerre », a relevé Marianne Moor d’IKV Pax Christi. « Si elle est correctement appliquée, une législation communautaire permettrait au commerce de s’opérer, mais pas au prix de violations graves des droits de l’homme. »
source : GreenIT.fr