L’éco-conception logicielle séduit – Nantes
Deux colloques étaient consacrés à l’éco-conception des logiciels en octobre dernier. Retour sur celui qui s’est tenu le 18 octobre dernier à l’Ecole des Mines de Nantes.
Coorganisé par l’Ecole des Mines de Nantes, le pôle Images et Réseaux, et GreenIT.fr, le colloque « éco-conception des logiciels » a rassemblé plus de 80 personnes, issues des mondes académiques et industriels. Une belle réussite pour un évènement aussi pointu, en semaine, payant et à Nantes. La journée était animée par GreenIT.fr.
Premier constat, la page de l’informatique de « gosses de riches » où l’on dépensait sans compter gigaoctets et cycles CPU, est belle et bien entrain de se tourner. Pour des raisons aussi diverses que les besoins de performance technique, des contraintes économiques, une plus grande sensibilité des entreprises aux enjeux du développement durable, etc. C’est l’une des principales conclusions de cette journée riche en échanges : l’éco-conception logicielle n’est pas un concept, c’est une réalité pour tous les acteurs de chaîne de valeur de l’informatique : fabricants d’équipements, éditeurs, hébergeurs, développeurs, utilisateurs, etc.
Autre point clé : des solutions méthodologiques et techniques existent déjà pour éco-concevoir ses logiciels et autres sites web. Après une brève introduction des enjeux de l’éco-conception logicielle, l’ensemble des sessions ont en effet porté sur des solutions et des retours d’expérience concrets et des travaux de recherche menés par des chercheurs français (Ecole des Mines de Nantes, INRIA Lille, INSA Rennes, ICAM) et allemands (Green Software Engineering).
Orange
L’opérateur Orange a expliqué pourquoi et comment il a éco-conçu la version 8 de son kit de connexion mobile Business Everywhere passant de 60 Mo d’espace disque (et presque autant de mémoire consommée) à environ 6 Mo. Outre les contraintes techniques (impossibilité d’installer 60 Mo sur les générations de smartphones de l’époque qui ne disposaient pas d’assez d’espace de stockage), Orange a exposé la philosophie radicalement nouvelle de la conception de ce kit de connexion. Objectif : un logiciel « zéro footprint » tant d’un point de vue technique qu’écologique.
Meta-IT
Au travers d’exemple très parlant, le fabricant d’ordinateur français Meta IT a démontré le lien fort entre la couche logicielle et le hardware. Prévus pour être utilisés au minimum 6 ans, les ordinateurs de Meta IT sont particulièrement performants parce que la couche logicielle – système d’exploitation et outils d’administration – pilotent directement certains aspects matériels spécifique (carte graphique, etc.). Meta IT a notamment démontré les gains de performance possible en choisissant finement des librairies JavaScript optimisées pour son outil d’administration des utilisateurs basé sur un annuaire LDAP et les ACL Linux. Meta IT a également démontré l’intérêt du code open source pour réaliser des optimisations de performance et les reverser à la communauté.
Vupar
Vupar s’est ensuite penché sur l’éco-conception des sites web. Après avoir expliqué sa démarche technique, proche du référentiel de bonnes pratiques que nous venons de publier chez Eyrolles, l’agence web nantaise a expliqué que l’investissement initial pour acquérir des compétences spécifiques avait été payant puisque de plus en plus d’appels d’offres publics pour des sites web intègrent désormais des dimensions liées au développement durable, notamment en terme d’éco-conception.
Sigma et ICAM
Au delà des prestataires web, les éditeurs de progiciels commencent également à s’intéresser à l’éco-conception. C’est notamment le cas de l’éditeur Sigma qui travaille en collaboration avec les porteurs du projet Code Vert et un laboratoire de l’ICAM pour optimiser le code de ses applications Java existantes et des nouveaux projets. En bref, le projet Code Vert est un parseur qui analyse un code informatique à l’aide d’un référentiel de règles de bonnes pratiques d’éco-conception logicielle et qui identifie les optimisations possibles. Grâce à cette approche, le progiciel est plus performant et fonctionne sur des configurations matérielles moins gourmandes. On peut donc utiliser plus longtemps ses serveurs et postes de travail, ce qui réduit l’empreinte économique et écologique du progiciel.
Table ronde
Une table ronde a ensuite permis de « prendre la température » du marché en réunissant un éditeur (Microsoft), un organisme de normalisation (Afnor), un spécialiste des analyses de cycle de vie (Evea), le pôle Images & Réseaux. Principal conclusion de cette table ronde : l’éco-conception est incontournable pour les éditeurs de logiciels qui y voient un avantage compétitif (notamment dans le cloud computing) et une contrainte technique (sur le marché des tablettes par exemple). Les trois principaux freins à la généralisation de l’éco-conception logicielle sont le manque d’experts et de compétences, l’absence de standardisation et de reconnaissance de cette démarche par des éco-labels, et la méconnaissance du sujet (notamment des économies réalisables) par la majorité des DSI.
EMN
Les autres sessions ont porté sur des travaux de recherche. Thomas Ledoux de l’EMN a notamment expliqué comment l’élasticité permettait de réduire l’empreinte d’un nuage informatique. Une intervention complétée par Jean-Louis Pazat sur le rôle incontournable des contrats de service (SLA) pour atteindre une meilleure élasticité. L’intervention du Green Software Engineering a porté sur la différence entre performance technique et efficience environnementale, au travers d’exemples.
PowerAPI
Mais c’est certainement l’intervention d’Aurélien Bourdon (INRIA Lille) qui a retenu l’attention des participants grâce à une démonstration assez bluffante de son logiciel PowerAPI. Ce logiciel s’appuie sur des algorithmes évolués pour évaluer très précisément la consommation énergétique d’un logiciel à différents niveau de granularité (logiciels, modules, classes, etc.). Il y a clairement un gouffre entre la précision actuelle des outils de power management et ce que propose PowerAPI.
L’aspect sociétal de l’écoconception n’a pas été oublié, car elle accroît la motivation des développeurs en suscitant de nouvelles approches , tant au niveau du code proprement dit, que de l’architecture de la solution. L’accessibilité des logiciels est également un élément déterminant de la démarche.
Supports et vidéos
http://www.emn.fr/z-info/eco-conception-logiciels/index.php?page=slides-videos
Dans un prochain article, nous vous proposerons une synthèse du colloque sur l’éco-conception logicielle qui s’est tenu le 25 octobre 2012 à l’Epita à Paris.
Source : GreenIT.fr