DEEE : fabricants et recycleurs, le lièvre et la tortue ?
La morale serait sauve selon une étude récente du Pike Research. Le cabinet d’analyse prévoit en effet un rattrapage dans les 15 prochaines années des fabricants, dans leur course aux nouveaux produits, par les recycleurs, pariant d’une part sur les résultats favorables des stratégies RSE des fabricants, mais encouragés, surtout, par une perspective d’évolution des réglementations environnementales en matière de traitement des déchets électroniques (DEEE) qui soient à la mesure du problème.
Il reste de taille, en effet. De 6 millions de tonnes en 2010, le poids de déchets électroniques devrait atteindre 14,9 millions de tonnes d’ici 2025 tandis que la capacité de ré-utilisation ou de recyclage de ces mêmes déchets devrait passer de 1,1 million de tonnes à 7,9 millions de tonnes dans la même période.
C’est peu après 2020 que nous produirions moins de déchets électroniques que nous ne serions capables d’en traiter en une année… Perspective intéressante, mais Pike Research reconnaît le sérieux de la situation pour ces déchets d’ici là.
Pointant du doigt les circuits informels, reconnus comme nocifs pour des raisons sanitaires et environnementales, l’étude appelle à un renforcement de la réglementation – nationale et régionale indique-t-il – de manière à canaliser ces flux de déchets et permettre leur traitement par les acteurs des filières officielles. Il est vrai que c’est à la seule condition, à minima, de son équilibre financier, dont volume et richesse des flux à traiter seront la garantie, que cette dernière pourra se structurer et se développer.
La réglementation
A l’échelle de la France, même si les filières s’organisent peu à peu, leur performance restait, en 2010, en deçà des objectifs fixés par l’Europe (à l’origine de la directive WEEE / DEEE), tant sur la collecte que la ré-utilisation ou le recyclage.
En parallèle, et contre toute attente, les négociations pour la nouvelle directive DEEE ont quant à elles vu les ambitions initiales sur les objectifs revues à la baisse. Pourtant, de son côté, la dernière Conférence des Parties (COP 10) de la Convention de Bâle qui s’est tenue en 2011 proposait, entre autres, d’intégrer à son nouveau cadre stratégique décennal l’interdiction aux pays signataires d’exporter leurs déchets toxiques vers les pays en développement (et donc la nécessité à les traiter « localement »).
La gestion des déchets d’équipements électriques et électroniques s’inscrit bel et bien aujourd’hui dans une dimension globale. Pourtant, force est de constater que le décryptage des stratégies nationales, régionales et internationale, à travers les éléments réglementaires qui les traduisent reste difficile. Doit-on y voir la preuve d’intérêts divergents ?
Les déchets électriques et électroniques, quels enjeux ?
Au-delà des impacts environnementaux et sanitaires réels liés au traitement de ces déchets, la question des richesses qu’ils renferment constitue également l’un des enjeux majeur du sujet, dans son lien au marché des matières premières, dont quelques unes utilisées dans le secteur des TIC sont considérées comme critiques par différentes instances. L’étude relativement complète ne semble pas, à la lecture de la table des matières, aborder cette thématique au delà du sujet des terres rares.
Indirectement à travers le recyclage des déchets électriques et électroniques et leurs potentielles richesses, sont adressés un ensemble d’enjeux économiques, géopolitiques et stratégiques exacerbés récemment par la crise financière. L’environnement et la santé, y apparaissent malheureusement encore trop souvent comme variable d’ajustement ou argumentaires justifiant tour à tour les positions stratégiques des parties.
Gardons à l’esprit l’organisation géographique du secteur – fabrication, utilisation et fin de vie légale ou non- , la répartition des richesses minérales sur la planète (souvent inversement proportionnelle au PIB par habitant) et ne sous-estimons pas les ambitions des grenouilles qui voudraient se faire plus grosses que le bœuf !