Catégorie : Logiciels

SLI : un indicateur pour évaluer la durabilité des logiciels

L’empreinte écologique des systèmes d’information est directement liée à la fabrication et la fin de vie des équipements. Pour la réduire, il faut donc allonger au maximum la durée de vie active des équipements dans l’entreprise. Or, cette démarche dépend essentiellement des logiciels qui sont installés.

Obsolescence logicielle

En effet, entreprises et particuliers se séparent majoritairement de leurs ordinateurs et autres équipements informatiques pour trois raisons :

  • parce qu’ils ne sont plus assez puissants pour exécuter les nouvelles versions de logiciels ;
  • parce que les mises à jours ne sont plus disponibles exposant ainsi l’utilisateur à des risques de sécurité ;
  • et / ou parce le matériel n’est plus garanti.

Les deux premiers cas relève de l’obsolescence logicielle.

Deux clés d’analyse : durée du support et puissance informatique

Si on se concentre sur la couche logicielle, les deux paramètres clés sont :
– la durée du support technique standard. Peu de responsables informatiques prendront le risque d’utiliser des logiciels qui ne sont plus supportés (mis à jour) par l’éditeur. Ils seront donc contraints de migrer vers une nouvelle version.
– la puissance informatique nécessaire pour exécuter le logiciel. Si la puissance requise pour les mises à jour ou pour la nouvelle version du logiciel augmente trop vite, l’entreprise ou le particulier devra se séparer d’un matériel parfaitement fonctionnel. Les besoins en ressources (CPU, mémoire, espace disque) des logiciels accélèrent donc le renouvellement prématuré de l’ordinateur.

SLI : un indicateur standard et objectif

D’où l’idée d’utiliser un indicateur standard et basé sur des données objectives pour évaluer la durabilité d’un logiciel.

Pour forger cet indicateur, on peut se baser sur la « loi » suivante :

  • plus la durée du support technique est longue ;
  • moins le logiciel nécessite de ressources (mémoire vive, espace disque, cycles processeur) ;

plus il sera alors possible d’utiliser longtemps le logiciel sur un même matériel.

Je vous propose donc un « indicateur de durabilité logicielle », qu’on traduira par Software Longevity Index (SLI) en anglais. Cet indicateur est calculé ainsi :

SLI = [[Pn / Ln] / [Pn-1 / Ln-1]] / D

avec

P : Puissance nécessaire : [ Fréquence (MHz) * Mémoire vive (Mo) * Espace disque (Mo) ] / 1024
L : durée du support standard
D : nombre d’années entre date de sortie des versions n et n-1

Plus le SLI est petit et plus la longévité potentielle du logiciel est grande et plus on lutte contre l’obsolescence logicielle.

Mais, c’est surtout l’évolution de ce ratio, d’une version de logiciel à l’autre, qui nous intéresse. Cette évolution mesure en effet les progrès réalisés par l’éditeur soit par l’allongement de la durée du support technique standard, soit par la diminution des besoins en ressources, soit grâce aux deux.

Le SLI peut donc être calculé avant un renouvellement de logiciel et / ou de matériel pour déterminer l’intérêt ou pas d’une migration vers une nouvelle version. Les éditeurs et les fabricants peuvent vous fournir, avant l’achat, la durée de vie de leurs produits.

Exemple avec Windows

Pour le système d’exploitation de Windows, le SLI est le suivant :

greenitfr-indicateur-SoftwareLongevityIndex.png

Que nous apprennent ces chiffres ? Malgré l’allongement de la durée du support technique standard entre Windows 98 SE et Windows 2000, les besoins en ressources de Windows 2000 (x36 entre les deux versions) ont dégradé la durabilité de Windows 2000 par rapport à Windows 98 (x28). En revanche, la progression plus raisonnable des besoins en ressources entre Windows 2000 et Windows XP (x3) et l’allongement significative de la durée du support technique standard (39% de temps en plus) ont permis d’améliorer significativement la performance de l’éditeur puisque l’indice ne progresse que de x2. En tant que décideur informatique, un SLI de 16 (élevé) me pousserait à attendre la prochaine version. La migration la plus raisonnable était donc de passer de Windows 98 SE à Windows XP.

Le passage à Windows Vista (x267 pour les besoins en performances) et le raccourcissement de la durée de support technique standard (29 % moins long que pour la version précédente) dégradent très fortement la performance de l’éditeur. Comme entre Windows 2000 et Windows XP, Microsoft progresse à nouveau avec Windows 7. En tant que décideur informatique, un SLI de 75 (très élevé) me pousserait à attendre la prochaine version. La migration la plus raisonnable s’effectue entre Windows XP et Windows 7.

La pertinence du SLI se vérifie avec Windows. Mais il faudrait appliquer ces calculs à d’autres logiciels (système d’exploitation, suite bureautique, etc.) pour vérifier leur pertinence. Si elle se vérifie, nous disposons désormais d’un indicateur prédictif qui peut nous alerter sur la durabilité (ou pas) d’une nouvelle version de logiciel.

SLI : un outil de benchmark

Le SLI n’est pas seulement intéressant pour évaluer la performance d’un éditeur, à posteriori, d’une version à l’autre d’un même logiciel. Il permet aussi de benchmarker plusieurs logiciels entre eux. Par exemple Windows, Linux et Mac OS X. Cette étude comparative devrait être riche en enseignements. Qui peut nous aider dans cette tâche ?

Le SLI peut être facilement étendu au matériel. Appelons-le Equipement Longevity Index (ELI). Il suffit d’appliquer le même calcul en ne prenant pas en compte la durée qui sépare deux nouvelles versions de matériel. On peut aussi l’adapter en fonction de la typologie du matériel. Par exemple, pour une station PAO, la prise en compte de la puissance de la carte graphique pourrait être un élément important.

Au final en associant les SLI et ELI fournis par le fabricant du matériel et du logiciel, on a une idée assez juste de la durabilité probable d’un poste de travail complet (matériel et système d’exploitation) avant son achat.

Votre avis sur cet indicateur nous intéresse.

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR) et le Club Green IT.

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