Catégorie : Editeur

“Avec Second Life j’ai divisé par 3 mes voyages en avion”

Pierre Olivier est un ami. Nous avons fait une partie de nos études ensemble. Il a co-fondé Stonfield In World, l’un des pionniers de Second Life en France.

Je lui ai donc naturellement demandé de m’en dire un peu plus sur Second Life. Il nous explique en quoi cet univers virtuel va au delà des outils de web conférence et comment il peut aider les entreprises à améliorer leur bilan carbone.

1) En quoi Second Life peut-il aider les entreprises à mieux respecter l’environnement ?
P.O. Carles : On a beaucoup comparé les univers virtuels à des jeux ou des simples réseaux sociaux. Il sont bien plus que cela. D’une part, un univers en 3D apporte de nombreuses possibilités en matière de matérialisation et de présentation de l’information, d’autre part, le caractère présenciel lié aux avatars change la donne : il y a un véritable être humain derrière chaque avatar, avec lequel on peut interagir comme on le fait dans la vie physique. De ce fait, il devient possible, dans d’excellentes conditions, parfois même meilleures que dans la “réalité physique”, de mettre en oeuvre une politique de Formation efficace, sans que les collaborateurs n’aient plus à se déplacer. L’impact est immédiat sur les émissions de CO2 liées aux transports. En matière de Développement Durable (qui inclut des aspects sociaux), limiter les déplacements revient à limiter le stress des apprenants. On sait aujourd’hui qu’aider les salariés à mieux vivre leur vie professionnelle et s’y épanouir est bénéfique pour l’entreprise également.

2) Limiter les déplacements c’est bien, mais on peut le faire sans Second Life…
P.O. : Un univers 3D donne du relief à la session de formation en elle-même. Le fait de se positionner dans une salle de formation et donc de donner des repères que chaque collaborateur connait bien. Mais ce n’est qu’une première étape. Nous avons un projet lié à l’amélioration des techniques de merchandising dont les formations et les réunions virtuelles se déroulent dans un véritable magasin reconstitué à l’identique, chaque linéaire étant conforme à la réalité. Inutile de préciser que le bénéfice est bien plus important qu’une simple salle de cours physique et impossible à recréer aussi facilement dans le cadre d’une webconference. J’ai écrit une note à ce sujet sur mon blog.

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Un avatar de Second Life consomme autant d’électricité que 10 vrais camerounais ou un vrai brésilien. Ne trouves-tu pas ce chiffre indécent ?
P.O. : Je connais ces chiffres, qui ont fait couler beaucoup d’encre. Il est évident qu’une telle débauche d’énergie pour simplement faire danser un avatar, petit personnage numérique, dans une discothèque virtuelle serait assez décalée. Mais la semaine dernière j’ai fait 3 réunions dans Second Life, deux avec des personnes basées en France et une avec des personnes basées à San Francisco. Ces 3 déplacements, à eux seuls et sur une seule semaine, auraient émis plus de CO2 que les 10 Camerounais en question pendant un an. Je pense que le bilan carbone de mon avatar est vraiment positif. Grâce à Second Life, j’ai divisé par trois mes déplacements en avion. Dans la même veine et sans vouloir faire de comparaison déplacée, Sam Palmisano, CEO d’IBM a remplacé une conférence de presse qu’il devait tenir en Asie, par la même dans Second Life il y a quelques mois. Le simple fait qu’il ne se soit pas déplacé avec son avion et son équipe pour ce meeting est une extraordinaire bénéfice pour l’environnement. Comme souvent, tout est affaire de dosage et de responsabilisation. Pour se rendre au mariage de son fils qui habite aux Etats-Unis, on n’a pas encore beaucoup fait mieux que l’avion. Pour un simple meeting business, un univers virtuel tel que Second Life peut s’avérer largement aussi efficace et bien plus économe en émission de CO2.

Peut-on imaginer que les univers virtuels consommeront moins d’énergie demain ?
P.O. : Oui. Nous sommes sur des technologies en pleine recherche de maturité. Nous savons que la consommation va largement baisser dans les mois qui viennent, notamment avec la convergence vers les navigateurs et l’utilisation d’architectures logicielles différentes. En parallèle, tous les grands constructeurs travaillent à la conception de serveurs moins gourmands tout en augmentant leur puissance, comme tu le soulignes d’ailleurs ici très régulièrement. C’est un peu comme si on avait demandé au premier moteur à explosion d’avoir le rendement d’une voiture à hydrogène. La situation actuelle est loin d’être parfaite, mais je crois que tout cela va dans le bon sens et représente une réponse attractive aux problématiques auxquelles nous devons faire face en matière d’environnement. Le potentiel des univers virtuels tels que Second Life est extraordinaire même sur ce terrain, et je ne crois pas qu’il soit raisonnable, pour la majeure partie des entreprises qui se veulent responsables, de ne pas s’y intéresser.

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR) et le Club Green IT.

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