Caf.fr : un exemple de fracture numérique

Faire une simulation de droits de garde, pour estimer les subventions auxquelles vous auriez droit, vous avez déjà essayé ?

Nous avons tenté l’expérience sur le site caf.fr et conduit une courte étude dont voici les grandes lignes :

• Le parcours d’un utilisateur pour ce service de simulation est laborieux et s’est soldé par une erreur au moment du résultat.
• Les impacts environnementaux (gaz à effet de serre et consommation d’eau) liés à ce parcours, sont conséquents et amplifiés par le nombre d’utilisateurs.
• La fracture numérique et sociale, est accentuée par l’impossibilité d’accéder au site sur mobile qui laisse sur le bord de la route les personnes ne possédant pas d’ordinateur.

Le parcours utilisateur a un réel impact environnemental

Nous avons testé le parcours d’un parent d’enfant(s) de moins de 6 ans, en partant de l’accès direct au site caf.fr jusqu’à l’obtention du résultat, pour répondre à la question : « à combien ai-je droit pour la garde de mon enfant ? ».

Ce parcours a nécessité 27 étapes et 14 minutes, pour obtenir un résultat non concluant.

Les principaux problèmes liés au parcours sont les suivants :

• Pour faire une simulation on doit se connecter, donc trouver les identifiants et le  numéro allocataire, ce qui ralentit la démarche.
• La simulation nécessite plus de 15 pages de formulaires à remplir pour lesquelles nous n’avons pas toutes les informations.
• On ne sait pas à quelle étape de la simulation on se trouve, ni comment retourner à l’étape précédente. On passe même sur le site monenfant.fr avant de retourner sur caf.fr, sans savoir pourquoi.
• Les erreurs de saisie ne sont pas facilement identifiables (pas de couleur différente par exemple) et les formats de dates ne sont pas lisibles (20100803 au lieu de 03/10/2010).
• Le résultat est fourni seulement dans un fichier PDF et n’a pas pu être calculé à cause d’un problème technique.

Pour évaluer l’impact environnemental, nous sommes partis de l’hypothèse que cette fonctionnalité est utilisée par au moins 100 000 utilisateurs. Au regard du nombre d’allocataires de la CAF, cette estimation semble basse (12,5 millions d’allocataires ont reçu une prestation en 2016).

A l’aide de l’extension GreenIT – Analysis, nous avons pu obtenir l’impact de chaque page de ce parcours et calculer l’impact moyen du parcours, que nous avons multiplié par le nombre estimé d’utilisateurs :

Alors, quelle est la solution ?

Les pistes d’amélioration sont principalement fonctionnelles :

• Opter pour une approche « mobile first », c’est à dire un service d’abord destiné aux mobiles. Ce qui permet d’aller à l’essentiel, de simplifier le contenu, et de ne pas exclure une partie de la population qui n’a pas accès à un ordinateur.
• Fournir un service de simulation sans nécessité de se connecter. Cela évite que les utilisateurs abandonnent dès le début car ils n’ont pas leurs identifiants.
• Limiter les choix de la page d’accueil aux plus importants, par exemple : simulation, demande de prestation, changement de situation, attestation.
• Fournir une simulation simplifiée avec seulement quelques champs à remplir, par exemple : sélection de la tranche de revenu, nombre d’enfants, localisation.
• Afficher le résultat directement sur la page au lieu d’un fichier PDF.

Certaines solutions techniques peuvent aussi être mises en place : minifier les CSS, réduire le nombre de requêtes serveurs et d’éléments du DOM.

People, Planet, Profit : tout le monde est gagnant

Cette refonte fonctionnelle permettrait ainsi d’agir sur les axes de la conception responsable : Social, avec une accessibilité accrue, et réduire ainsi la fracture numérique. Écologique, avec un impact positif sur l’environnement. Économique, avec les économies financières réalisées tant sur les serveurs que sur les besoins en accueil au public.

Ce qui signifie :

• Pour l’utilisateur, moins de temps passé, une satisfaction accrue, inutile de se déplacer à la CAF.
• Pour la CAF, moins de serveurs à provisionner et à gérer, moins de monde au guichet.
• Pour l’environnement, la CAF diminue sa contribution à l’impact environnemental et à l’obsolescence des terminaux.

Cette analyse a été réalisée dans le cadre d’un atelier lors de la formation écoconception web avec Frédéric Bordage, par :

• Aurélie Baton, UX designer
• Sylvain Tenier, ingénieur pédagogique, Simplon
• Richard Hanna, développeur, Fairness
• Sébastien Solere, coach agile, Fairness

Richard Hanna

Développeur passionné, certifié ecoconception web. Au sein de la coopérative Fairness, j'agis pour un web responsable pour un impact positif sur la société et l'environnement. Membre du collectif Conception Numérique Responsable et animateur de Techologie, le podcast qui tente de lier tech et écologie quand tout les oppose.

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