Catégorie : Etude

Quels sont les impacts environnementaux de l’IA ?

[article et étude mis à jour le 20/08/2024. Suite à la suggestion de Julien Richard-Foy d’apporter plus d’éléments de comparaison, nous avons ajouté la part de l’IA dans le budget annuel soutenable d’un européen].

Selon nos calculs, les impacts environnementaux de l’intelligence artificielle, à l’échelle de l’Europe, et pour l’année 2024, sont les suivants :

  • Epuisement de ressources abiotiques matières (ADPe) : 41 716 kg équivalent antimoine (SB) ;
  • Epuisement de ressources fossiles (ADPf) : 74 672 534 214 mégajoules (MJ) d’énergie primaire (EP) ;
  • Radiations ionisantes (IR) : 859 270 035 kg Becquerel équivalent Uranium 235 ;
  • Potentiel de réchauffement global (GWP) : 3 695 705 635 kg équivalent CO2.

En équivalences de la vie courante, cela représente :

  • Epuisement de ressources abiotiques matières (ADPe) : masse de 1,3 milliards d’êtres humains ou 66 millions de véhicules thermiques (2x le parc français) ;
  • Epuisement de ressources fossiles (ADPf) : 710 millions d’ampoules LED de 10 watts allumées 365 jours par an et 24 heures sur 24 ;
  • Radiations ionisantes (IR) : na ;
  • Potentiel de réchauffement global (GWP) : 22 milliards de kilomètres en voiture thermique soit 543 000 tours du monde.

Comme vous pouvez le constater, bien qu’elle ne corresponde qu’à environ 5 % des impacts environnementaux des centres informatiques, l’empreinte de l’intelligence artificielle en Europe est déjà loin d’être négligeable. Et elle devrait augmenter chaque année de 20 à 25 % par an dans la prochaine décennie.

Combien l’IA représente-t-elle dans le budget annuel soutenable d’un européen ?

Si on rapporte les résultats de l’étude à “un européen de plus de 15 ans et de moins de 80 ans pendant un an” et que l’on compare ces valeurs au “budget soutenable annuel” d’un européen, on constate que l’IA représente :

  • Epuisement de ressources abiotiques matières (ADPe) : 0,37 % ;
  • Epuisement de ressources fossiles (ADPf) : 0,64 % ;
  • Radiations ionisantes (IR) : 0,003 % ;
  • Potentiel de réchauffement global (GWP) : 1,05 %.

Ces chiffres sont calculés pour un européen (UE27) en âge d’utiliser l’IA. Nous avons arbitrairement fixer cet âge à plus de 15 ans et moins de 80 ans car c’est le découpage le plus fin fourni par Eurostat.

Le “budget annuel soutenable” est défini par la quantité d’impacts environnementaux et sanitaires qu’un européen peut avoir pendant un an sans dépasser les limites planétaires, c’est à dire sans dépasser la capacité des écosystèmes et des populations à se régénérer malgré ces impacts. Ce budget est fourni pour le Joint Research Center, un groupement de scientifiques indépendants dont les travaux sont financés exclusivement par des fonds publics (Commission Européenne).

Comme nous n’évaluons que la part des centres informatiques, la part de l’IA dans le budget annuel soutenable d’un européen est sous-évaluée.

Pour plus de repères, vous pouvez aussi consulter notre étude Le numérique en Europe : une approche des impacts environnementaux par l’analyse du cycle de vie qui montre que le numérique représentait en 2021 environ 40 % du budget annuel soutenable d’un européen (UE27).

Comment réduire les impacts environnementaux de l’intelligence artificielle ?

Heureusement, il existe au moins trois pistes sérieuses pour réduire ces impacts :

  1. Arbitrer nos usages de l’IA pour les concentrer sur des applications réellement utiles pour l’humanité. Pour cela, il faut que les citoyens demandent à leurs représentants de légiférer pour mieux encadrer l’usage de l’IA ;
  2. Appliquer l’EcoScore aux IA : il s’agit de calculer l’équivalent d’un “Nutriscore environnemental”. Cela permet d’arbitrer simplement nos usages en fonction de la performance environnementale d’une IA ;
  3. Ecoconcevoir des intelligences artificielles (IA) frugales : en appliquant les principes de l’écoconception de service numérique à l’IA, on peut réduire les impacts environnementaux associés à l’entraînement et à l’utilisation des intelligences artificielles.

Notes méthodologiques

Cette estimation est grossière et incomplète. Pour l’instant, il est impossible d’aller au-delà d’un ordre de grandeurs comme celui proposé dans cet article car les principaux acteurs de l’intelligence artificielle (Open AI, Mistral AI, les GAFAM, etc.) ne fournissent aucune information sur les ressources informatiques (serveurs, etc.) qu’ils mobilisent pour collecter les données, entraîner les IA puis exécuter leurs moteurs d’inférence.

Pour aboutir à ces chiffres, nous avons :
a. considéré que l’IA mobilise environ 5 % des ressources des centres informatiques (data center) en Europe (voir ci-dessous les différentes études consultées) ;
b. puis nous avons appliqué ce prorata aux résultats de notre étude sur les impacts environnementaux du numérique en Europe.

Notre étude sur les impacts environnementaux du numérique en Europe est une Analyse du Cycle de Vie (ACV). Les impacts de toutes les étapes du cycle de vie (fabrication, utilisation, fin de vie) sont donc prises en considération.

Cette estimation est incomplète car il manque toute la partie réseau (quand vous envoyez une demande (prompt) à Chat-GPT par exemple et qu’il vous renvoie les résultats) ainsi que toute la partie “terminaux” (c’est à dire le temps que vous passez sur votre ordinateur ou votre smartphone à écrire le prompt et à lire les résultats).

Le choix des 4 indicateurs (ADPe, ADPF, IR et GWP) repose sur les constats faits lors de nos dernières études qui montrent qu’en France (PDF), le numérique contribue principalement à ces 4 crises environnementales et sanitaires majeures.

Le terme “Europe” désigne dans cette étude le périmètre l’Europe des 27 (UE27).

Etudes et articles consultés

Pour valider et calculer l’ordre de grandeur de 5 % (l’IA représente 5 % des impacts environnementaux des DC) et la comparaison avec le budget annuel soutenable d’un européen, nous nous sommes appuyés sur les résultats des nombreuses études citées dans ces articles :

Source : calculs, étude et article par GreenIT.fr

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR) et le Club Green IT.

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