Et si la sécheresse accentuait la pénurie d’équipements numériques ?
Il n’y a quasiment aucun autre objet que le numérique qui nécessite autant de matériaux. La fabrication d’un ordinateur portable nécessite par exemple 500 fois son poids en matières premières. Si on pense souvent aux métaux critiques, on oublie souvent que l’eau douce est indispensable pour fabriquer nos équipements.
Déjà des tensions sur de nombreux métaux
La gourmandise de cette industrie en métaux et autres ressources naturelles non renouvelables se traduit par leur épuisement accéléré. C’est par exemple le cas de l’antimoine, de l’or, de l’argent, ou du nickel. Pour ce dernier métal, la Commission Européenne met en garde contre des ruptures d’approvisionnement dès 2027.
Ces tensions se traduisent par une envolée du cours des matières premières qui, dans de nombreux pays, se traduit par une dégradation des conditions de vie des êtres humains. Par exemple, en République Démocratique du Congo (RDC), 40 000 enfants extraient le coltan qui sert à fabriquer nos smartphone.
L’exploitation des êtres humains permet de financer les conflits armés. La situation est devenue structurelle. Au point qu’on désigne désormais certains minerais par le terme de “minerais des conflits“.
L’eau douce, matière critique pour fabriquer le numérique
Au delà des tensions liés à la demande de ressources abiotiques, la modification des climats locaux pourrait accentuer la situation de pénurie de composants électroniques. En effet, l’industrie des semi-conducteurs consomme un quantité considérable d’eau douce.
Il faut 30 litres d’eau pour fabriquer une puce de 2 grammes, soit 16 000 fois le poids du produit fini.
La fabrication des écrans nécessite également de très grandes quantités d’eau : 26 000 litres d’eau pour une télévision de 47 pouces, soit environ 3 000 packs d’eau minérale !
La consommation d’eau douce par le numérique est telle que c’est un indicateur incontournable lorsque nous réalisons des Analyses du Cycle de Vie de systèmes d’information ou de services numériques.
Une pénurie aggravée par les sécheresses ?
La pénurie actuelle de semi-conducteurs est directement liée à une compétition entre secteurs d’activité – énergies renouvelables, numérique, véhicules électriques, etc. – pour accéder aux dernières réserves disponibles et rentables de ressources naturelles non renouvelables.
A moyen terme, elle pourrait être accentuée par les aléas climatiques.
Après la Californie (patrie historique de la fabrication de composants électroniques) qui connaît une sécheresse prononcée depuis plusieurs années, c’est au tour de Taïwan. Face à une sécheresse sans précédent, l’île a du rationner l’accès à l’eau. Or, les usines de fabrication de composants électroniques ont besoin d’eau pour fonctionner.
A court terme, cette situation va accentuer la pénurie actuelle de semi-conducteurs.
A moyen terme, quand bien même nous trouverions de nouveaux gisements de matière à transformer en composants électroniques, si une sécheresse endémique s’installe, cela pourrait faire chuter la production mondiale d’équipements électroniques.
Cette situation montre la fragilité de cette industrie qui dépend à la fois de l’approvisionnement en matières premières, mais aussi en eau et en énergie. A trop multiplier les dépendances à des ressources naturelles auquel l’accès devient de plus en plus aléatoire, l’humanité s’expose à une “perte de chance” en terme de résilience.
Merci à Franklin Lecointre (Insead) pour l’idée de cet article.
Source : GreenIT.fr avec AFP