Numérique et métaux : état de l’art
S’intéressant aux impacts du numérique, France Stratégie [1] vient de publier un premier document intitulé « La consommation de métaux du numérique : un secteur loin d’être dématérialisé ».
Premier d’une série de trois, ce rapport synthétise nos connaissances sur la relation entre le numérique et les métaux. Il s’appuie sur les travaux présentés lors d’un cycle de séminaires sur l’impact environnemental du numérique qui s’est tenu en 2018-2019.
Il complète d’autres rapports tels que ceux de l’Ademe et les livres de Philippe Bihouix (L’âge des low-tech) et de Guillaume Pitron (La guerre des métaux).
En résumé
Loin de l’image de secteur immatériel qui lui est trop souvent associée, le numérique alimente sa croissance exponentielle grâce à une quantité également croissante de métaux : cuivre, tantale, gallium, germanium, or, platine, etc.
Souvent reléguée au second rang par les préoccupations de consommation énergétique en phase d’usage, la consommation de matières premières se situe pourtant au cœur de l’impact environnemental du numérique.
Qu’il s’agisse de l’extraction elle-même ou des procédés de transformation nécessaires à l’obtention de métaux exploitables, le processus de production est parcouru de bout en bout par des questions de gestion des ressources minérales, énergétiques et hydriques qui seront amenées à se renforcer dans un avenir proche.
À ces questions économiques, sur lesquelles l’attention se concentre trop souvent, se superpose également un enjeu humain, celui du coût de ces activités sur les populations et la biosphère des pays où nous délocalisons notre production.
Quelques points clés du rapport
Voici quelques points clés (liste non exhaustive) abordés dans le rapport, que nous vous encourageons vivement à lire dans sa globalité :
Impacts environnementaux. Les impacts environnementaux du numérique se concentrent lors de l’extraction des matières premières, notamment du minerai et de son raffinage puis de sa transformation en composants électroniques.
Pénurie. S’il n’y a pas, à moyen terme, de risque d’un épuisement total des ressources métalliques, cette forte croissance de la demande peut engendrer des tensions notamment à l’interdépendance économique entre métaux et à la compétition entre les usages. Les tensions sont suffisamment fortes pour que Elon Musk plaide la cause de son industrie devant le Sénat américain, l’enjoignant à arbitrer en faveur des véhicules électriques plutôt que d’autres industries concurrentes (EnR, numérique, etc.).
Energie. L’extraction des métaux est de plus en plus énergivore et la production d’énergie est de plus en plus consommatrice de métaux. Ce cercle vicieux se traduit par une augmentation inconsidérée de la consommation énergétique liée à l’extraction des métaux : de 10 % de la consommation énergétique mondiale en 2012, elle pourrait atteindre 40 % en 2030. Evidemment, nous n’en arriverons pas là car cela signifierait que des pans entiers de l’économie, eux aussi dépendants d’énergie primaire, ne pourraient plus être alimentés.
Déchets. Plus on extrait de minerai et plus on produit de déchets qui ne seront ni collectés, ni dépollués, ni recyclés. L’économie circulaire reste une illusion dans le domaine du numérique. Le taux de collecte des DEEE reste très faible. L’Europe est championne du monde avec 35 % de taux de collecte en 2017. Elle surclasse de loin les Amériques et l’Asie autour de 15 %. Le reste du monde n’atteint même pas 10 %.
Recyclage. Le recyclage des métaux ne peut pas constituer l’unique réponse à la croissance de la consommation en matières. Il doit s’accompagner de politiques visant à réduire notre consommation de matière primaire. Bien que le recyclage soit un modèle vers lequel nos économies doivent nécessairement tendre et dont il faut accompagner la généralisation, ses limites intrinsèques ne lui permettent pas d’être l’alpha et l’omega d’une politique de réduction des impacts matériels du numérique. Continuer à idéaliser le recyclage reviendrait à véhiculer une image fausse aux citoyens : celle d’un monde où une consommation sans limite n’a pas de conséquence puisque tout est recyclé. Or cette image d’Epinal est devenue dangereuse.
A demi-mot, entre ses lignes, le rapport nous invite donc à plus de sobriété dans nos usages numériques, mais aussi à accélérer sur des approches telles que la low-tech et l’écoconception.
[1] Institution autonome, placée auprès du Premier ministre, France Stratégie contribue, par ses propositions, à l’action publique et éclaire le débat.
Source : GreenIT.fr avec https://www.strategie.gouv.fr/publications/consommation-de-metaux-numerique-un-secteur-loin-detre-dematerialise