Doubler son espérance de vie grâce à Linux
[article proposé et écrit par Marc Jachym]
Le site GreenIT.fr en a fait son cheval de bataille et le rappelle régulièrement : c’est la fabrication des équipements qui concentre les impacts environnementaux, bien plus que leur utilisation. De plus, une fois jeté, l’ordinateur représente un déchet polluant. L’allongement de la durée de vie des ordinateurs est donc la meilleure démarche possible du green IT.
Quand les machines sont sous Windows et qu’on veut prolonger leur vie, il faut trouver une alternative au système d’exploitation de Microsoft. C’était particulièrement vrai avec Windows XP et ça l’est également avec Windows 7 et 8. L’expérience enseigne que les machines ralentissent avec le temps. Je ne parle pas d’ordinateurs domestiques surchargés de jeux et de programmes d’origine non contrôlée, comme quand vous devez intervenir sur la machine bloquée du fils du voisin. J’évoque ici un parc informatique contrôlé.
On peut utiliser des produits « nettoyants » et reformater son disque dur. Mais après avoir réinstallé le système et l’antivirus, on constate souvent que ces efforts sont vains : l’ordinateur n’a pas regagné la vélocité espérée. Sur ces « vieilles » machines, Windows reste lent à démarrer, lent à lancer les logiciels et même lent à s’éteindre. Selon ma pratique, seule l’arrivée des unités SSD a amélioré la rapidité de cette expérience utilisateur. Mais bien souvent, cela n’est pas suffisant.
Bien que ces machines soient encore parfaitement fonctionnelles, elles finissent le plus souvent recyclées alors qu’il est possible de leur donner une seconde vie. Cette situation gène un nombre croissant de citoyen(ne)s sensibilisés aux questions environnementales et qui ne souhaitent pas entretenir les filières d’élimination de déchets peu dignes de confiance. Il faut alors trouver une solution pour prolonger l’utilisation de ces ordinateurs.
L’alternative consiste à installer un système d’exploitation Linux. Pour ma part, je travaille confortablement sur des machines que personne ne voudrait plus conserver, grâce à Xubuntu. Il y a aussi le système Haiku, mais il ne possède pas autant de drivers que Xubuntu.
Assurer la compatibilité avec Office
En milieu professionnel, un des principaux challenges à relever pour l’adoption d’un ordinateur bureautique sous Linux est la compatibilité avec les formats Microsoft, standards de fait, et la crainte des utilisateurs de ne pouvoir les échanger avec leurs collaborateurs, internes comme externes.
L’échange de fichiers bureautiques (Word, Excel, PowerPoint) avec les utilisateurs de Microsoft Office, très largement majoritaires, est possible en théorie. Les développeurs de Libre Office ont fait beaucoup d’efforts en ce sens. Mais la pratique montre que les transferts entre MS Office et Libre Office, quel que soit le format utilisé, occasionnent des pertes de formatage des documents.
Pour contourner ce problème, il faut utiliser le logiciel PlayOnLinux (qui repose sur l’émulateur Wine) pour installer des logiciels Windows sous Linux. Grâce à PlayOnLinux, j’ai pu installer très facilement la version Microsoft Office 2010 qui assure une très bonne compatibilité lors des échanges de documents avec des utilisateurs de MS Office 2013. Une autre approche consiste à contourner les problèmes de compatibilité en envoyant à ses collaborateurs des fichiers PDF plutôt que des formats bureautiques. Mais c’est plus radical…
Une interface utilisateur plus proche de Windows XP que Windows 8
Maintenant qu’en est-il de l’interface utilisateur ? Est-elle suffisamment belle et moderne pour ne pas faire reculer l’utilisateur ? C’est un point primordial pour l’adoption ou non d’un système. Par chance Xubuntu est assez élégant de ce point de vue et sa structure de menu hiérarchique à partir d’un bouton démarrer (représenté par une gentille petite souris!) est un bon point qui rassurera les utilisateurs.
Cerise sur le gâteau, il est possible d’utiliser le très agréable Docky, ajoutant à l’interface du bureau un « dock », c’est à dire un lanceur de programmes à la MacOS (voir la copie d’écran ci-dessous). Au final, des utilisateurs Windows seront moins perturbés par une migration de Windows XP ou 7 vers Xubuntu que vers Windows 8.1.
S’intégrer aux système d’authentification déjà en place
Dans mon cas, les ordinateurs sont utilisés dans une salle en accès public. Avec des machines hétérogènes, la difficulté est l’intégration dans l’environnement de travail de manière suffisamment transparente. Il faut en particulier intégrer chaque ordinateur dans le système d’authentification centralisé de la structure, permettant à l’utilisateur de se connecter quel que soit la machine et d’y retrouver ses données.
Linux possède tout ce qu’il faut pour cela. Dans mon entité, grâce aux modules clients samba, winbind et au montage de répertoire personnel pam-mount, j’ai pu intégrer mes machines Xubuntu au milieu des machines Windows, le tout fonctionnant suivant la technologie des domaines WinNT de Microsoft.
Et si on faisait la course ?
Pour concrétiser le propos voici maintenant un essai chronométré permettant de comparer la vitesse d’exécution sous Windows et Xubuntu.
Les machines de la salle publique concernée sont hétérogènes, les plus récentes étant des ordinateurs acquis en 2012, disposant d’un processeurs Intel 4 cœurs cadencé à 3,30 Ghz avec 8 Go de RAM, le bus système étant lui cadencé à 1600 MHz. Ces machines supportent bien Windows 7 SP1. Les autres sont plus anciennes, par exemple une machine acquise en 2008 avec un processeur Intel 2 cœurs cadencé 2,4 GHz, 8Go de RAM sur un bus système à 800 MHz.
Comme test, j’ai chronométré à différentes étapes, le temps mis par chacune de ces deux machines de calcul depuis la mise sous tension, au chargement du système d’exploitation puis au lancement du logiciel Matlab (en version R2015b), puis enfin au lancement d’un exemple de calcul et sa représentation graphique par Matllab. L’exemple, faisant partie de la livraison standard du produit, consiste à charger et représenter un objet 3D (une théière) modélisé par 3872 faces (triangles) basées sur 4608 points.
Voici les temps obtenus pour les deux machines de calcul décrites ci-dessus :
Quasiment 2 fois moins puissante, la machine la plus ancienne sous Xubuntu est pourtant, de loin, la plus rapide. Comment expliquer cet écart ?
La première explication provient de l’absence d’antivirus. Je n’installe aucun antivirus ou anti-malware sur les ordinateurs Linux. De tels produits existent, ainsi que pour MacOS, mais ils servent surtout à éviter de relayer les menaces du monde Windows. En revanche, la machine Windows est équipée de Symantec Endpoint protection v12. Comme les antivirus du même type, il consomme des ressources : cycles CPU et surtout mémoire vive.
En général, on dispose rarement d’une machine avec 8 Go de mémoire vive, et cela n’est pas nécessaire. Mon expérience quotidienne montre que Xubuntu est confortable avec un processeur double cœur et 2 Go de mémoire vive (RAM). Il est possible de travailler avec encore moins, mais il faut admettre que le navigateur web moderne, quel qu’il soit, est très ralenti en deçà de 1Go de mémoire vive.
Conclusion
Force est de constater qu’un ordinateur, même plus ancien, tournant grâce à Xubuntu, est plus rapide qu’un ordinateur sous Windows. Le ralentissement des ordinateurs, devenant un aspect rédhibitoire de l’expérience utilisateur et conduisant au changement de machine, n’est donc pas une fatalité.
Il est possible d’allonger, au moins du double, la durée de vie des ordinateurs que nous utilisons au quotidien.
Plusieurs difficultés se présenteront, de la disponibilité des logiciels à la compatibilité des formats, le plus important étant la résistance des utilisateurs au changement. Le passage vers le poste de travail sous Linux demande donc une démarche volontaire par un utilisateur convaincu.
Néanmoins, je pense avoir démontré que le rythme rapide de remplacement des ordinateurs, avec le gaspillage d’énergie et de ressources matérielles que cela implique, sans parler des pollutions, n’est pas une fatalité technique mais bien un conditionnement opéré par l’industrie.
Après avoir libéré les logiciels, libérons les esprits ! C’est bon pour l’environnement et pour votre porte-monnaie.