Minerais des conflits : bientôt une loi contraignante
Depuis plusieurs années, les efforts se multiplient pour limiter l’impact des minerais de sang dans les zones de conflit. Les accords de Kimberley de 2003 ont imposé un processus de certification des diamants. La loi américaine Dodd-Franck, adoptée en 2010, inclut l’obligation pour les sociétés cotées aux États-Unis qui se fournissent en minerais dans la région des Grands Lacs de communiquer sur leurs chaînes d’approvisionnement.
Paradoxalement, alors que l’Union Européenne est plutôt en avance sur le reste du monde en matière d’obligations sociales et environnementales, elle ne dispose toujours pas d’une législation visant à interdire les minerais des conflits. Depuis de longs mois, des textes sont en discussion et font l’objet d’âpres négociations.
Seulement quatre minerais concernés à court terme
Après de nombreux allers-retours entre espoir et désillusion, le parlement européen vient de voter en faveur d’un texte contraignant.
La version préliminaire adoptée par le Parlement fait de l’approvisionnement responsable une obligation à tous les niveaux de la chaîne d’approvisionnement. Le texte concerne pour l’instant quatre minerais : étain, tungstène, tantale et or. Pour des raisons d’ordre politique et juridique, la version préliminaire du règlement se limite actuellement à ces quatre minerais, mais elle comporte une clause de révision qui exige de la Commission qu’elle passe en revue l’efficacité du règlement au bout de trois ans. Comme pour la directive RoHS (substances chimiques toxiques dans les produits électroniques), d’autres minerais (coltan par exemple) pourront être ajoutés à terme.
La traçabilité enfin obligatoire
Le texte fixe des obligations pour les entreprises basées dans l’Union Européenne qui importent ces minerais en l’état brut (amendement 154) et pour les « entreprises en aval » qui importent dans l’UE des produits contenant ces minerais (amendement 155). En amont de la chaîne de production, les exploitants, les négociants et les fondeurs devront procéder à un audit externe pour vérifier la provenance des minerais. En aval, les entreprises de l’UE qui utilisent ces minerais pour fabriquer des produits de consommation auront l’obligation de vérifier leur traçabilité. Environ 880 000 entreprises sont potentiellement concernées.
Une adoption définitive d’ici l’été
Bien que le parlement ait voté en faveur de ce texte à une écrasante majorité (402 voix pour, 118 contre et 171 abstentions), les États membres débattront de la proposition au sein de leurs groupes de travail le 29 juin et entameront un discussion avec le Parlement et la Commission après l’été. Ce n’est que lorsque Etats membres, Parlement, et Commission auront trouvé un consensus définitif que nous pourront crier victoire. Entre temps, les lobbies de l’industrie vont s’en donner à cœur joie pour détricoter la proposition de loi et convaincre les Etats membres de faire marche arrière, notamment en brandissant le spectre d’une perte de compétitivité économique et de l’inutilité de cette loi…
Source : Global Witness, http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA?TA-2015-0204+0+DOC+XML+V0//FR et http://www.jeuneafrique.com/232489/economie/minerais-de-sang-le-parlement-europeen-adopte-des-mesures-contraignantes/
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