Catégorie : Matériel

Le cloud est-il green ?

L’Alliance Green IT (AGIT) a réuni des professionnels du domaine pour répondre à cette question. L’association ne propose pas une réponse tranchée mais plutôt une grille de critères à prendre en compte (PDF) pour évaluer l’apport positif ou négatif des nuages informatiques. L’analyse aborde notamement 10 idées reçues sur le sujet. Un film d’animation résume les principales conclusions.

Comme nous l’avons démontré à plusieurs reprises (ici et par exemple), le cloud computing n’est pas systématiquement, et même presque jamais, bénéfique pour l’environnement.

Pour répondre de façon certaines, il faut pendre en considération de nombreux critères (pays hébergeant les centres de données et les utilisateurs du service, âge et type des data centers, durée de vie des équipements, source de l’électricité consommée, temps passé par les internautes sur le service hébergé dans le nuage, etc.) et bien définir le périmètre observé.

Voici les ruses qui permettent d’affirmer sans broncher que “le cloud est green”
Pour affirmer que le « cloud est green », la plupart des études éludent les questions de fond en n’abordant que très superficiellement la question. Voici les trois ruses employées le plus couramment :

  • Uniquement l’utilisation (scope 2) : l’étude se concentre uniquement sur la consommation d’énergie sur la phase d’utilisation et les gaz à effet de serre (GES) associés pour conclure que, comme les nuages informatiques consomment moins d’énergie, ils émettent moins de gaz à effet de serre. Or, cette étape du cycle de vie ne constitue au plus que 50 % des émissions, et souvent largement moins. Dans un pays comme la France, la fabrication (scope 3) de l’infrastructure globale – réseau, bâtiment, équipements informatiques, groupes électrogènes, froid, box et ordinateurs des internautes, etc. – concentre environ 75 % des nuisances et des gaz à effet de serre émis sur le cycle de vie. L’étape du cycle de vie étudiée représente donc la partie émergée de l’iceberg ;
  • Le moindre des maux : l’autre ruse consiste à étudier l’impact environnemental le moins significatif, typiquement les émission de gaz à effet de serre lors de l’utilisation. Or, toutes les études multicritères sérieuses démontrent que les principaux impacts sont l’épuisement des ressources non renouvelables et les conséquences négatives très diverses – acidification, eutrophisation, etc. – des pollutions de toutes sortes liées à l’extraction des matières premières puis à leur transformation en composants électroniques et enfin à leur fin de vie ;
  • Un périmètre incomplet : les études s’intéressent généralement à une portion seulement de l’unité fonctionnelle globale. Par exemple, elles ne s’intéressent qu’aux centres de données. Or, l’utilisation d’un service hébergé dans le cloud monopolise aussi un réseau télécoms et l’ordinateur ou le smartphone de l’internaute. Ces deux maillons supplémentaires du processus représentent souvent 2/3 des impacts. Focaliser l’attention uniquement sur le cloud n’est donc pas une démarche judicieuse. D’autant que bien souvent, toute l’infrastructure physique du cloud n’est pas prise en considération. Par exemple, on compare la consommation électrique d’un serveur sans préciser que ce serveur, les traitements et les données qu’il héberge sont dupliqués dans un (voir deux) autre centre de données pour garantir leur disponibilité.
  • Pas de prise en compte de l’effet rebond : couramment appelé « effet rebond », le paradoxe de Jevons montre que lorsque une nouvelle technologie lève un frein d’usage, l’usage de cette technologie croit plus vite que le bénéfice (environnemental dans notre cas) apporté. Dit plus simplement : la mise à disposition par les acteurs du cloud d’une puissance de calcul et de stockage quasiment infinie se traduit par une surconsommation. Cet effet rebond n’est jamais pris en considération dans les études qui concluent que le « cloud est green ».

Il faut donc mener une revue attentive sur ces quatre points avant de pouvoir répondre positivement à la question. Bref, vous l’aurez compris, les entreprises et les experts qui affirment sans précision que le « cloud est green » sont au mieux des incompétents, au pire pratiquent le greenwashing.

Source : GreenIT.fr

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR) et le Club Green IT.

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