Catégorie : Juridique

Loi consommation : pas de remise en cause de l’obsolescence programmée

Fin juin, l’Assemblée Nationale a débattu de la proposition de loi consommation portée par Benoît Hamon, ministre délégué à la consommation. Après cet examen en première lecture, le projet de loi passera en commission au Sénat les 23 et 24 juillet puis en séance à partir du 11 septembre. Le texte devrait donc être adopté avant l’automne.

Cette proposition de loi est la première qui s’attaque directement à l’obsolescence programmée. Elle tient compte des préconisation des experts en prévoyant, notamment, le renforcement de l’information des consommateurs sur la durée légale de garantie, la disponibilité des pièces détachées des appareils composites, et en étendant la présomption de conformité de 6 mois à 1 an.

Malheureusement, même si Benoît Hamon estime que ces mesures sont un « un premier pas dans la lutte contre l’obsolescence programmée », pour les spécialistes du sujet, elles sont bien trop timorées pour avoir un impact sur les fabricants. D’autant que les articles visant à définir et sanctionner l’obsolescence programmée, en en faisant un délit, n’ont pas été retenus.

Pas d’avancée concrète en terme de garantie
La durée de présomption de conformité (exemption de preuve par le consommateur) n’a pas été alignée sur la durée de garantie légale obligatoire de 2 ans (droit européen). Dans les faits, les consommateurs ne disposent donc que d’une garantie de 1 an (au lieu de 6 mois). En effet, on imagine mal un utilisateur d’iPhone ou de Mac Book Air aller démontrer un vice caché à Apple…

D’autre part, la durée de garantie n’a pas été alignée sur la durée de vie des équipements. L’industrie a donc les mains libres pour organiser tranquillement une fin de vie artificielle des équipements avec tous les leviers que l’on connaît désormais : fin de garantie, point faible technique, absence de pièces de rechange, pièce de rechange et main d’œuvre hors de prix, incompatibilité avec les nouvelles versions de logiciels, composants soudés (batterie, mémoire, disque dur / SSD, etc.), etc.

Seul point positif, le texte adopté en première lecture oblige les fabricants à mieux informer les consommateurs sur la durée de disponibilité des pièces détachées permettant de réparer l’équipement. Evidemment, le fabricant (ou son importateur) doit proposer les composants pendant la période annoncée (dont la durée n’est pas définie). L’UFC-Que Choisir souhaite que le texte final aille plus loin, notamment avec l’obligation de « préciser que la durée légale de garantie ouvre le choix d’un remplacement ou d’une réparation en cas de défectuosité de l’appareil afin (…) d’éviter au consommateur de souscrire des garanties payantes, très lucratives pour les professionnels, mais aucunement nécessaires au consommateur qui bénéficie déjà de garanties légales ».

La carotte plutôt que le bâton ?
Sur son site internet, le député Lionel Tardy écrit donne une piste intéressante pour faire progresser le texte et des dispositifs associés. Alors que la proposition actuelle porte essentiellement sur des contraintes pour les fabricants (essentielles pour progresser sur le fond), Lionel Tardy rappelle que « la qualité essentielle d’un produit, c’est qu’il rende de manière satisfaisante le service pour lequel il est conçu ».

Comme je le rappelle fréquemment dans mes articles, certaines mesures incitatives, simples et rapides à mettre en œuvre, peuvent permettre de lutter contre l’obsolescence programmée. On peut citer par exemple :

  • la baisse ou l’exemption de charges (sociales) et taxes (TVA) sur l’activité de réparation et de revente d’appareil d’occasion reconditionnés. L’idée est de favoriser le marché de l’occasion pour soutenir le développement d’une activité locale (non délocalisable et bénéfique pour la balance commerciale de la France) tout en redonnant du pouvoir d’achat aux français. Evidemment, cette démarche est bien plus efficace que le recyclage pour réduire les impacts environnementaux des DEEE ;
  • l’obligation de mettre à disposition du grand public les notices de réparation des appareils pendant et après la fin de vie commerciale des produits pour permettre aux utilisateurs de réparer eux-même leurs appareils ;
  • imposer aux entreprises une durée d’amortissement légal corrélée à la durée de vie réelle des équipements. Evidemment, il est préférable dans ce cas que la durée de garantie corresponde elle aussi à la durée de vie réelle de l’équipement.

Source : GreenIT.fr

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je forme les futurs professionnels du domaine et conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable et le Club Green IT.

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