Qarnot Computing : du free cooling au free heating ?
On en parle dans ces colonnes depuis longtemps, la consommation d’énergie des data centers et autres supercalculateurs est très importante : on l’estime entre 1,1 % et 1,5 % de la consommation électrique mondiale, sachant qu’un data center peut consommer jusqu’à une centaine de MW, soit autant d’énergie qu’une ville de 100 000 habitants.
Le refroidissement des unités de calcul est une problématique majeure, et représente un poste de consommation énergétique très important de ces centres, même si des solutions innovantes (free cooling, water cooling, etc.) sont mises en place pour réduire la quantité d’énergie utilisée. Mais avec les besoins en calcul qui explosent, tant au niveau scientifique (climatologie, météorologie, configuration de molécules…) que celui des entreprises (modélisation des risques financiers au sein des banques, optimisation de l’aérodynamisme…) ou de l’industrie des loisirs (rendu d’images 3D…), le besoin d’innovation se fait sentir.
Du free cooling au free heating
Entre alors Qarnot Computing. La start-up basée à Montrouge (banlieue parisienne) veut utiliser le free cooling comme free heating : en installant des petites unités de calcul chez les particuliers, elle fournit de la puissance de calcul distribué à ses clients, et du chauffage gratuit aux logements où les unités sont placées !
La société a mis au point son propre modèle d’unité de calcul : le Q.rad, une petite boîte en aluminium, de la taille d’un radiateur électrique, qui se connecte sur l’Internet domestique pour réceptionner et envoyer des tâches aux serveurs de la start-up, et muni d’un petit thermostat réglable qui permet de moduler la vitesse des processeurs en fonction du besoin de chaleur. Le particulier est remboursé chaque mois des coûts d’électricité du Q.rad, et bénéficie ainsi d’un chauffage gratuit ! Dans un contexte d’accroissement du prix de l’électricité et de précarité énergétique grandissante, l’idée peut intéresser les logements individuels ou collectifs, et permet de réaliser des économies d’énergie bienvenues.
Les premiers tests grandeur nature
La start-up, fondée en 2010 par un ingénieur X-Télécom qui s’occupait jusque là de supercalculateurs pour une grande banque, se développe peu à peu ; appuyée par Oséo et la Région Ile-de-France, elle compte aujourd’hui une vingtaine de collaborateurs qui planchent sur sa mise en œuvre. La société 4MTec, entrée au capital de Qarnot Computing après avoir réalisé l’étude technique, chauffe actuellement ses 250m² de bureaux avec des Q.rad ; ce mois-ci, ce sont quelques dizaines de Q.Rad qui seront accueillis dans les locaux de Télécom ParisTech, et un premier déploiement à grande échelle est prévu cet été, puisque 300 Q.Rad vont être déployés dans une centaine de logements HLM dans le XVème arrondissement de Paris, à Balard. A moyen terme, la société vise le développement de 100 000 de ses « radiateurs à calcul », et cherche à lever plusieurs millions d’euros pour passer à l’industrialisation.
Bien entendu, la start-up devra faire face à plusieurs défis. La sécurisation des données, par exemple ; les données sont chiffrées, et le Q.Rad s’arrête dès qu’on essaie de l’ouvrir, mais il faudra tout de même convaincre les entreprises qu’envoyer des données potentiellement importantes chez les particuliers peut se faire de façon totalement sécurisée. Le problème de l’adéquation entre la demande et les besoins réels de chauffage se pose aussi : la start-up indique qu’en cas de faible demande des entreprises, les unités de calcul peuvent être mises à disposition des universités et autres organisations scientifiques pour augmenter le nombre de calculs à réaliser (et donc maintenir l’apport calorifique) ; mais quid des moments de l’année où les particuliers n’ont pas besoin de chauffage (par exemple, l’été) mais les entreprises ont besoin de calculs ? Bref, le modèle apparaît séduisant sur le papier, mais seule la mise en pratique permettra de tester la faisabilité du concept et la viabilité de l’entreprise.
Pensez-vous que cette idée rencontrera le succès ? Seriez-vous prêts à accueillir un radiateur à calculs chez vous ?