L’Europe veut des puces « vertes »
Fidèle à sa volonté de réduire la consommation énergétique de l’Union, la Commission Européenne finance plusieurs projets d’efficience énergétique de l’IT. En complément du programme Prime Energy IT, le projet EuroCloud est doté de 3,3 millions d’euros de subsides sur 3 ans.
La vocation de ce projet est de « diminuer considérablement les coûts en électricité et les coûts d’installation des serveurs dans les centres de calcul en nuage » en concevant « des microprocesseurs à faible consommation » qui coûteront « dix fois moins à l’achat et consommeront 10 fois moins d’énergie ». La Commission s’intéresse particulièrement à un processeur en 3D qui « permet de réduire les besoins en électricité de 90 % ».
Détrompez-vous, il ne s’agit pas d’une bonne nouvelle. Certes, que l’Europe prenne en considération des dimensions importantes du Green IT est un progrès. Mais les élus européens se trompent malheureusement de cheval pour mener la bataille.
Le budget alloué au projet EuroCloud ne représente que 0,04 % du budget R&D d’Intel. Autant dire que s’il était possible de créer un tel processeur révolutionnaire 3D pour si peu, Intel le commercialiserait déjà depuis belle lurette.
D’autre part, sous le poids des lobbies, nos élus européens se concentrent encore une fois sur un détail – la consommation d’énergie de la phase d’utilisation – que les fabricants de microprocesseurs et les fournisseurs de salles informatiques sont prêts à résoudre à leurs frais. Car l’efficience énergétique est un élément clé pour différencier leur offre produit.
Tant que nous n’aurons pas remplacé les composants électroniques, les dalles TFT, et les cartes mères par des substituts biologiques, la fabrication et la fin de vie continueront à concentrer 80 à 90 % de l’empreinte écologique de l‘IT.
Dans ce contexte, la Commission Européenne aurait plutôt du investir sur des projets dont l’effet de levier et le retour sur investissement sont sans commune mesure.
En voici quelques uns :
– l’éco-conception des logiciels : 1 kWh de ressources informatiques non consommées sur le serveur permet d’économiser 2,84 kWh au total. Comme l’a démontré Facebook c’est vers la couche applicative qu’il faut se tourner pour améliorer l’efficience énergétique des data centers.
– la standardisation des indicateurs du Green IT : pour progresser, les entreprises cherchent à évaluer la performance et la maturité de leur système d’information avec des indicateurs mondialement reconnus. Force est de constater qu’on en est encore loin. Résultat, les organisations ont abandonné leurs projets Green IT des années 2008-2010 à cause de leur incapacité à chiffrer les dossiers.
– la certification des systèmes d’information éco-responsables : à moins d’y être contraintes (comme l’administration avec la circulaire du 3 décembre 2008), les organisations ne se tournent pas naturellement vers une démarche Green IT car la plupart n’ont pas encore pris conscience des économies financières associées aux gains écologiques. La possibilité de valoriser une démarche Green IT à l’aide d’un certificat ou d’un éco-label reconnu pousserait les organisations à progresser, essentiellement dans une logique d’amélioration de leur image de marque.
– l’allongement de la durée d’amortissement des équipements IT (EEE professionnels catégorie 3) dans tous les pays membres de l’UE permettrait d’éviter la génération de millions de tonnes de DEEE professionnels chaque année. Ce projet ne nécessite aucun investissement, uniquement un texte de loi.
Au final, l’Europe sert, encore une fois, à financer la R&D de très grands groupes internationaux et / ou des lubies de chercheurs, mais en aucun cas des projets concrets, simples et efficaces. Merci messieurs les lobbies de l’industrie.
Source : http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/12/1014&format=HTML&aged=0&language=FR&guiLanguage=en