Singapour : vers une économie décarbonée grâce aux TIC ?
Le 31 mars, l’IDA, autorité Singapourienne pour le développement des TIC, a hébergé un forum sur les centres de données verts. Cet événement a attiré des acteurs des TIC venant du monde entier, pour évoquer des sujets liés à l’efficacité énergétique et à la modernisation des datacenters, mais surtout pour discuter du développement d’une norme nationale pour les centres de données verts.
Singapour, leader du Green IT
Ce forum incarne l’émergence de Singapour comme leader dans le domaine du Green IT. Autrefois un trou perdu, cette minuscule nation a déclaré son indépendance il y a 50 ans et est devenue depuis une place financière, industrielle et technologique mondiale. Bien que le gouvernement de Singapour ait insisté sur le besoin de créer une ville propre et respectueuse de l’environnement dès sa déclaration d’indépendance, les initiatives en faveur du développement durable au sein des secteurs public et privé ont réellement décollé ces cinq dernières années. Le succès de Singapour peut être expliqué par une approche hybride curieuse, qui consiste à allier une économie de marché libre avec une planification rigoureuse à long terme par le gouvernement.
Selon Eugene Tay, rédacteur en chef du Green Business Times de Singapour, les responsables politiques de la cité-État ont répondu aux préoccupations grandissantes sur le changement climatique avec un programme s’attaquant à trois fronts : l’environnement, l’eau et les énergies propres. L’intérêt du gouvernement pour le Green IT découle alors naturellement. La collaboration entre agences publiques, groupements sectoriels, acteurs des TIC et prestataires de services a débouché sur cette nouvelle norme pour centres de données verts, prévue pour se hisser au niveau d’autres standards tels que l’ISO 26000 (pour la RSE), GRI (reporting sur le développement durable), LEED (bâtiments) ou FSC (papier et les emballages).
De plus, l’agence environnementale de Singapour (NEA) a établi un partenariat avec Hewlett Packard pour élaborer un benchmark sur l’efficacité énergétique des datacenters. HP et IBM ont également choisi cette nation de 710 kilomètres carrés pour y fabriquer leurs produits et stocker leurs données. Ces initiatives ont pour origine l’émergence de Singapour comme un tigre de l’économie numérique depuis ces vingt dernières années, notamment grâce à une main d’œuvre qualifiée, un environnement d’affaires favorable, une logistique intégrée et une localisation centrale en Asie du Sud-Est. En revanche, ces mêmes sociétés sont confrontées à un problème qu’aucune loi ou crédit d’impôt ne pourra résoudre : le climat tropical permanent qui fait monter en flèche les factures d’électricité.
Efficacité énergétique et hydraulique
Au-delà des centres de données, le gouvernement de Singapour pousse l’adoption de mesures d’efficacité énergétique dans les usines et bureaux du pays, grâce à un programme de formation. Avec un prix du kWh en constante augmentation, les responsables politiques espèrent tendre vers une économie verte, propulsée par les TIC, pour enrichir un terreau d’innovation déjà bien présent et attirer des investissements.
Enfin, les investissements de Singapour dans les technologies de l’eau ont fait de ce pays de 5 millions d’habitants un « hydrohub » mondial, explique Eugene Tay. L’impératif de l’autosuffisance en eau à prix raisonnable encourage encore plus les expérimentations et innovations par les ingénieurs singapouriens. Le pays possède une usine de désalinisation et prévoit d’en ouvrir une autre en 2013. L’accord sur l’eau avec la Malaisie, pays limitrophe dont Singapour n’est qu’une péninsule, expire dans 50 ans. Les ingénieurs et experts en nanotechnologies sont donc lancés dans une course contre la montre pour garantir la sécurité du pays en eau. Cela va contribuer à la réputation grandissante de Singapour en tant que centre d’innovation mondial dans les domaines énergétiques et technologiques.
Un modèle de coopération public-privé
A Singapour, point de climato-sceptiques : le débat sur le changement climatique porte plutôt sur la question de savoir si les entreprises peuvent s’autoréguler ou si le gouvernement doit intervenir. Les efforts menés par ce pays sur son efficacité énergétique et ses initiatives en faveur du développement durable peuvent servir de leçon sur la manière dont le gouvernement et le secteur privé peuvent être partenaires et non ennemis – tout en attirant des talents du monde entier, dans les « clean tech » et les TIC, laissant les autres pays verts… de jalousie.
Malgré ces initiatives, on notera que Singapour dépend toujours des importations de pétrole pour son énergie. Le facteur d’émission énergétique de Singapour est d’environ 530 gCO2/kWh – soit six fois plus que celui de la France.
Source : The Guardian UK