Internet : Voyage d’un message à travers un nuage pas si vert que cela
Quel est l’impact environnemental d’internet ? La complexité du réseau, les nombreux acteurs… font qu’il est difficile de clairement donner une réponse. Et les débats en sont faussés. Nous avons regardé la problématique de l’internet côté PC, analysé l’impact d’une recherche Google (Article green IT)… Mais dans tous les cas, nous sommes obligés de faire des hypothèses, de réduire l’analyse à certains cas d’utilisation. Pourquoi ? Ce n’est pas pour rien que l’on appelle internet le nuage, et que l’on utilise plus le terme la toile. On sait d’où le message part et où il arrive, mais on ne sait pas comment il y arrive !
Alors, pour mieux comprendre, voici l’histoire du voyage d’une requête vers un site internet !
Récit d’un voyage
12h 13mn 00 s : Je tape dans la barre de mon navigateur l’adresse amazon.com et je clique sur entrée
12h 13 mn et quelques micro secondes après (us) : mon processeur en quelques instructions analyse la demande et orchestre le fonctionnement des périphériques : écriture et lecture sur le disque dur et en mémoire, communication avec la carte Ethernet. Coté consommation, rien d’énorme, il ne s’agit que d’une requête, il n’y a pas pour l’instant de traitement lourd à faire. La consommation est proche d’une consommation en inactivité. La carte Ethernet envoie alors immédiatement les informations sur le câble réseau
12h 13 mn et 2 secondes : Le boitier CPL sur lequel est branché le câble analyse les données pour les transférer sur mon réseau électrique. La consommation ne change pas par rapport à l’état ou il n’y avait pas de trame Ethernet : c’est le gros défaut des boitiers CPL, ils consomment beaucoup et tout le temps.
Immédiatement après : Le boitier CPL module les informations sur tout mon réseau électrique. En passant, compte tenu que mon réseau électrique date, je suppose que pas mal d’ondes électromagnétiques sont émissent (Article Green IT Attention au CPL)
Ensuite : Le boitier sur lequel est branché ma Freebox reçoit le message et le traite. Les conclusions sur la consommation sont les même que celle de l’émission.
Immédiatement après (c’est-à-dire toujours à 12h 13 mn et 2 secondes) : La Freebox analyse les données pour les envoyer sur le réseau téléphonique. Pour la consommation, rien de notable, comme pour les boitiers CPL, la consommation est assez constante. Le problème de ces matériels est le ratio Consommation utile / consommation totale est très faible : pour 1 clic qui dure 2 secondes on consomme constamment.
Ensuite : La requête sort de mon réseau pour rentrer dans ce que l’on appelle la boucle locale. C’est le réseau de câble en cuivre qui relie les logements aux répartiteurs. Ce réseau est court (de quelques mètres à 2 km) mais important car il concerne tous les logements reliés au réseau. La boucle locale est constitué de sous répartiteurs de quartier (armoire électrique que vous pouvez voir dans certaines rue).
5 ms après : le signal est réceptionné par un des 20 NRA (Noeud de Raccordement d’Abonnés) de Rennes. Les NRA sont des centraux téléphoniques qui répartissent les lignes téléphoniques. Il y a 13 000 NRA en France. Le NRA est constituée de plusieurs parties : Le répartiteur téléphonique et le DSLAM (Digital Subscriber Line Access Multiplexer). Le DSLAM récupère les lignes téléphoniques et les redirige vers le réseau de l’opérateur en les multiplexant temporellement. Il est difficile de donner des chiffres sur la consommation mais si on regarde uniquement le DSLAM : on a 2w consommée par accès (1 DSLAM pour moins de 1000 personnes).
Quelques us après : Le DSLAM dédié pour Free va router la requête vers un de ces autres routeurs. Là, cela se complique car en fonction de la requête (Google, Amazon, …) et d’autre donnée, la route internet ne va pas être la même.
6 ms après : Le signal arrive dans un routeur Free de Courbevoie puis passe dans un autre matériel. Les routeurs par lesquels est traité les données sont plus où moins importants. Pour exemple on peut citer le routeur CISCO CRS-1 qui a une capacité maximum de 1,2 Tb/s et une consommation maximale de 13 kw. La consommation par utilisateur est d’environ 10 Watt (Source université de Melbourne)
Immédiatement après : Le signal va ensuite sortir du réseau Free pour passer dans d’autre réseau. En fonction de la destination, le parcours ne sera pas le même. Le signal est alors traité par un serveur de point d’échange international (IXP) : c’est le point d’échange entre le réseau national et les réseaux internationaux. En France, le plus important est le point PARIX (7 Gb/s). Pendant 1 ms, le signal passe dans le réseau TATA à Paris et repart dans un autre réseau. Le signal est entrée dans la colonne vertébrale du net : le backbone.
2 ms après : Le signal arrive dans le réseau de Level 3, toujours à paris. Parenthèse : je me pose la question sur le respect des bonnes pratiques green it des serveurs par lequel je passe. Sont-ils efficaces ? Respectent-ils des labels ? Compte tenu que ces routeurs sont très répandus et à la croisée des routes internet, l’effet d’échelle est important. On peut citer pour exemple un bug du routeur Cisco CRS-1 qui a causé des perturbations en Aout 2010 sur 1% du net (Source PC Impact)
10 ms après : Le signal arrive à Franckfort où il passe par 3 systèmes. Au passage, je me demande quelle est le rendement et la source de l’énergie ? Les routeurs sont alimentés en énergie renouvelable ? En énergie fossile ? Les salles sont-elles éco conçues ? Beaucoup de questions mais une certitude : mon signal est déjà passé et va passer par des matériels avec des sources d’énergie diverses et variées (et donc ayant une empreinte carbone différente). Le voyage va ensuite se poursuivre via les câbles transatlantiques pour vers les US.
100 ms après : Il arrive dans un routeur de Level 3 à Washingthon. Le signal passe par 3 systèmes IP.
60 ms après : le signal a traversé le territoire US pour arriver à Seatle dans un data center d’Amazon.
Pendant quelques ms : les serveurs d’Amazon traitent la demande. A ce moment, une infrastructure plus ou moins importante est mise en branle : serveurs caches, serveur de base de données… On dire que cette partie est la plus visible en terme d’action green IT. Les débats sur l’impact environnemental de Google ou de Facebook nous le montrent.
Ensuite : Les données sont envoyées pour que je les reçois sur mon PC. Contrairement à ma requête qui ne pesait que quelques octects, les données à transmettre pèsent plusieurs 100 de ko.
500 ms suivantes : Les quelques centaines de Ko vont re-parcourir le chemin inverse. Même parcours mais avec une occupation des routeurs plus importante donc avec une consommation plus importante.
Finalement : Les données vont être chargées sur mon PC, en mémoire et sur disque, le traitement sera différents en fonction de nombreuses configuration s : configuration du cache… Tout cela pour rien finalement … car compte tenu de la multiplicité de mes onglets, j’ai oublié ma requete 😉
Conclusion
Alors que penser de ce voyage?
- Mon signal aura parcouru plusieurs milliers de kilomètres, aura transité par du cuivre, de la fibre optique, aura été routé par de nombreux matériels, sera passé par des locaux plus ou moins climatisés, plus ou moins optimisés… Rien de virtuel tout compte fait, rien d’un nuage vaporeux.
- Un clic peut paraitre anodin mais il met en branle toute une infrastructure. A l’échelle d’une requête, l’impact environnemental peut paraitre faible mais sur le transfert d’un plus gros nombre de données cela commence à faire (vidéo…)
- L’argument green du cloud computing est à balancer avec certains paramètres : distance du fournisseur cloud, paramètre du fournisseurs internet…
- La consommation actuelle de l’internet se ramène principalement à la consommation des utilisateurs finaux et ensuite à la consommation des fournisseurs de solutions (facebook…). La consommation du backbone internet est pour l’instant plus faible mais a tendance à explosée compte tenu des besoins croissant en débit et compte tenu des conséquences induites : climatisation…
- Peu d’études existent actuellement pour connaitre l’impact de l’internet, la consommation ou son ACV. Des études globales existent ( 300 m tonnes de C0² par an (Source Guardian) mais peu d’étude fine. Pour plus de finesse on peut citer les études de Jonathan Koomey sur l’intensité énergétique d’internet (Energie pour transférer 1Gb de donnée) ont a une consommation de 0,011 kwh pour 1M transféré. Du travail est donc encore à faire ! Sans cela il n’y aura pas d’outil pour que l’utilisateur final puisse décider clairement comment diminuer son impact.
Et alors ?
Comme le dit le proverbe Japonais, Si vous cherchez la source du fleuve Yosthino, vous la trouverez dans les gouttes d’eau sur la mousse. Alors essayons de maîtriser nos gouttes d’eau !
Source : Boucle locale et NRA ARIASE
Source : Détail des NRA Free
Source : Visual Route
Source : Russ Haynal’ISP Page