Catégorie : Recyclage

DEEE : les fabricants vous plument à la demande de l’Etat !

A chaque achat d’un équipement électrique ou électronique (EEE), le consommateur paie une éco-taxe pour financer la prise en charge de sa fin de vie (démantèlement, recyclage, etc.). Si la collecte de ce nouvel impôt est un succès (100% des acheteurs ont payé leur dîme), le dispositif technique ne fonctionne pas : 8 ordinateurs sur 10 finissent toujours dans une décharge en 2009…

La collecte et le traitement des DEEE ne fonctionne pas car ce sont les fabricants de matériels qui gèrent l’éco-taxe !

Évidemment, les gestionnaires de l’éco-taxe (= les fabricants) n’ont pas intérêt à favoriser la réparation ou le reconditionnement de leurs appareils dont l’obsolescence est programmée en usine. Ils préfèrent les détruire même s’ils fonctionnent parfaitement pour pouvoir vendre des produits neufs.

D’une imparable logique, cette situation est contre-productive pour l’environnement, l’emploi local, et le développement du réemploi (le geste le plus efficace pour réduire l’empreinte écologique d’un bien manufacturé).

Malheureusement, la situation a empiré cet été. Depuis le 1er juillet 2010, l’éco-taxe va augmenter en fonction du degré d’éco-conception du produit. Cette mesure pénalisera par une hausse de 20% du montant de l’éco-taxe, les produits peu respectueux de l’environnement. Elle sera appliquée aux équipements réfrigérés, aspirateurs, téléphones mobiles, ordinateurs portables, télévisions et lampes..

Cette hausse de l’éco-taxe est une honte et une négation de la démocratie.

Plutôt que de pénaliser les fabricants qui sont les véritables responsables de la conception de leurs produits, c’est le consommateur qui trinque à leur place. Incroyable mais vrai ! Le consommateur – qui par définition n’a aucun moyen d’améliorer l’éco-conception des produits qu’il achète – devra payer 2 euros de plus pour une télévision, 3 pour un réfrigérateur, etc.

Ce sont les 4 organismes collecteurs de DEEE reconnus par l’état – Ecologic, Eco-Systems, Recyclum et ERP – qui moduleront le montant de leur éco-participation en fonction de critères d’éco-conception liés à la fin de vie des produits. L’Etat demande donc aux fabricants de punir eux-même les mauvais élèves de leur confrérie avec l’argent du contribuable.

Même en oubliant ce paradoxe à la française, il reste un point d’interrogation : pourquoi l’Etat ne privilégient-il pas formellement le réemploi des produits d’occasion ?

Dans le contexte actuel, les spécialistes des DEEE ont tout intérêt à favoriser les critères d’éco-conception de la fin de vie du produit qui privilégient le démantèlement pour le recyclage matière (récupération de matière première) plutôt que l’évolutivité ou la durabilité du matériel.

En d’autres termes, la seule façon d’enclencher un cercle vertueux, c’est de valoriser financièrement le reconditionnement pour réemploi du matériel collecté. Si les éco-organismes se finançaient en partie sur la revente du matériel d’occasion reconditionné, ils auraient tout intérêt à privilégier les critères d’éco-conception portant sur le reconditionnement, et non sur le démantèlement. Mais ils concurrenceraient alors leurs clients…

Plutôt que de taxer les consommateurs, l’Etat devrait plutôt reverser une partie de l’éco-taxe aux consommateurs vertueux qui privilégient le matériel d’occasion reconditionné et une autre partie aux organismes de reconditionnement. A l’image de Canon, les fabricants auront alors intérêt à développer la vente de produits d’occasion reconditionnés pour lutter contre la concurrence des spécialistes des DEEE.

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR) et le Club Green IT.

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