Les géants de l’informatique exportent leur CO2
Nous avons indiquions récemment que la fabrication d’un ordinateur en Chine émet 24 fois plus de CO2 que son utilisation pendant un an en France. Ce chiffre est intéressant parce qu’il démontre que le geste le plus efficace pour préserver l’environnement est d’utiliser son ordinateur le plus longtemps possible. Ca vous le saviez déjà.
Ce chiffre est aussi intéressant parce qu’il illustre une nouvelle tendance des pays développés : l’exportation de nos pollutions. C’est vrai à la fois pour le CO2 lié à l’énergie grise de nos appareils électroniques et pour nos déchets électroniques (DEEE).
Bien que la convention de Bâle interdise l’exportation des DEEE en dehors de l’Europe, de nombreux rapports montrent que près de 80% de nos DEEE sont exportés illégalement en Asie et en Afrique. Nous transformons ces pays en de gigantesques dépotoires pour faire des économies…
Nous agissons exactement de la même façon pour nos émissions de CO2. Si les produits provenant de Chine sont bon marché, c’est finalement parce que les conditions de travail des salariés et les normes environnementales ne sont pas au même niveau que dans les pays développés.
En Asie par exemple (hors Japon), la majorité de l’électricité est produite à partir du charbon. Un kWh électrique contient là-bas près d’un kg de CO2 (source : Ademe) contre 550 grammes pour la moyenne des pays de l’OCDE (source : GreenIT.fr) et moins de 100 grammes pour la France (source : Ademe). Bref, lorsque vous achetez un appareil électronique importé d’Asie à bas prix, vous êtes responsable de l’émission d’une grande quantité de CO2. Bien qu’elle ait lieu à l’autre bout de la terre, cette délocalisation de nos émissions de CO2 est préjudiciable pour l’humanité (nous vivons dans un petit écosystème fermé) et pour l’économie.
Pour comprendre qui émet indirectement le plus de CO2, deux chercheurs de Carnegie Mellon (Californie) ont réattribué leurs émissions à chaque pays développés, en fonction de leur balance commerciale de biens manufacturés et de la provenance des flux (source : Consumption-based accounting of CO2 emissions de Davis.S et Caldeira.K). L’idée des chercheurs est d’associer les couples de pays qui émettent directement et indirectement le plus de CO2 pour les amener à prendre leur responsabilité commune.
Résultat ? Comme on peut s’y attendre, les pays développés exportent près de 25% de leurs émissions liés à des produits manufacturés, principalement vers la Chine. Et les Etats-Unis sont le principal exportateur de CO2, suivis de l’Europe et du Japon.
A eux deux, la Chine et les Etats-Unis totalisent près de 12 milliards de tonnes de CO2 (source : EIA, données 2006, mise à jour en août 2009). En valeur absolue, cela représente un tiers des émissions mondiales de CO2, soit deux fois les émissions de l’Europe, l’Afrique et l’Amérique du sud réunis ! Mais en valeur relative, les américains exportent peu : 10,8% de leurs émissions, soit 2,5 tonnes par an et par habitant.
En Europe, les proportions sont inversées. Des pays tels que la France ou le Royaume-Uni exportent près d’un tiers de leurs émissions de CO2 liées à des biens manufacturés. Ce chiffre monte jusqu’à 50% pour de petits pays tels que la Suisse ou le Luxembourg qui ne fabriquent rien. Cela représente en moyenne 4 tonnes de CO2 par an et par européen (et plus de 10 kg de DEEE).
Source : http://www.pnas.org/content/early/2010/02/23/0906974107.abstract