Le marché des logiciels de gestion des émissions Carbone
La rentrée étant propice aux révisions, nous en profitons pour (re)faire un rapide panorama des logiciels de maîtrise des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES). Commençons d’abord par poser quelques constats :
• La Taxe Carbone (CCE) est un des sujets chauds de la rentrée, elle doit être inscrite à la loi de finances 2010 et a déjà fait l’objet des premières interventions de rentrée de François Fillon, Eric Woerth et Michel Rocard.
• Le CO₂, gratuit jusqu’à maintenant, va devenir payant pour les entreprises et donc un nouvel indicateur économique à prendre en compte.
• Les clients, dont la préoccupation écologique est croissante, demandent à leurs fournisseurs le poids carbone des produits qu’ils achètent (ex : le transport routier, la grande distribution, …). Le CO₂ devient alors un argument de compétitivité.
Selon une étude publiée début Août par VERDANTIX (http://www.verdantix.com/index.cfm/papers/Products.Details/product_id/61/business-case-for-carbon-management-software/-), les Directeurs Financiers des grandes entreprises vont se pencher sur les solutions logicielles de Carbon Management Software (CMS). Selon cette étude, une grande entreprise du secteur chimique pourrait récupérer jusqu’à 145% de l’investissement en 3 ans, avec un remboursement de l’investissement en moins d’un an.
Fort de ces constats, on assiste depuis un an ou deux à l’éclosion de nombreuses start-ups proposant des solutions logicielles pour adresser ce nouveau sujet. GreenIT.fr a d’ailleurs consacré plusieurs articles sur le sujet, et en a recensé de nombreux (https://www.greenit.fr/article/logiciels/3-outils-pour-gerer-son-empreinte-carbone).
Alors, qu’est-ce qu’un bon logiciel de gestion des émissions de GES ?
• En premier lieu, c’est un moteur de calcul capable de s’adapter aux différents standards méthodologiques internationaux : Bilan Carbone, GHG Protocol, DEFRA, …
• C’est une structure de données permettant de mapper une organisation complexe, les composants d’un produit manufacturé ou d’un service. Par exemple, pour un transporteur routier, il doit pouvoir modéliser aussi bien un établissement régional qu’une prestation de transport et les combiner : un AR Paris/Londres à l’initiative d’une Direction Lilloise se compose d’un mix entre le rail, la route et la mer.
• Un module de reporting multidimensionnel, permettant d’analyser les émissions selon des critères très variés : géographie, source d’émission, période, Business Unit, programme, …
• Ce sont des APIs (interfaces programmatiques) qui permettent de connecter le logiciel aux applications de l’entreprise (factures d’achats d’énergie, Gestion technique de bâtiments, annuaire LDAP, …). Ces APIs (ou web services) doivent permettre également de développer des interfaces web spécifiques, des formulaires de saisie pour les fournisseurs ou les responsables de sites.
• Enfin, c’est un ensemble de modules complémentaires permettant de gérer le budget Carbone, de simuler des actions de réduction, de les suivre, d’automatiser les workflows de saisie des données, de communiquer, de générer le rapport RSE, …
Parmi les plus connus, on citera alors quelques éditeurs « pure players » comme Verteego (France), Greenstone Carbon Management (UK), CarbonNetworks (CAN) ou ClearStandards (US) déjà évoqués dans ces pages. Mais certains éditeurs traditionnels de solutions EHS (environnement/Hygiène/Sécurité) intègrent maintenant des modules Carbone : c’est le cas d’éditeurs comme ESS (US), ENABLON (France) ou HARA (US).
Toutefois, il me semble important de citer 2 solutions originales par rapport à la horde des éditeurs :
• PlanetMetrics (US) dont le logiciel est dédié exclusivement à la mesure de l’émission des produits et non d’une activité. Il permet, à partir d’une analyse du cycle de vie, de modéliser le contenu Carbone d’un produit fini. Par exemple, dans une bouteille d’eau : le PVC de la bouteille, le papier de l’étiquette, le transport, le recyclage, le conditionnement, …
• The CarbonHub (FR/UK), intersection entre les réseaux sociaux et les CMS, et qui met l’accent sur la gestion collaborative des plans de réduction des émissions.
Alors, que nous réserve 2010 sur ce secteur : pas besoin d’être grand devin pour imaginer que l’année va être carnassière, qu’il n’y aura pas de place pour tout le monde et que les gros éditeurs comme IBM ou ORACLE vont probablement chercher à acheter un « pure player » à l’image de SAP avec ClearStandards, au printemps dernier. Il est également probable que le modèle SaaS adopté par la majorité de ces éditeurs ne perdurera pas, car leurs premiers clients sont les grandes entreprises assez hostiles à ce mode d’achat.
Et pour terminer, insistons sur le fait qu’on est loin de solutions « out of the box », qu’elles nécessitent une méthodologie spécifique, une double compétence informatique et environnementale, parfois des adaptations importantes et une certaine conduite du changement. L’indicateur Carbone est une contrainte mal connue des entreprises, les éditeurs et les intégrateurs se préparent à une nouvelle demande.