Le marché de la prestation informatique n’est pas “green”
Un phénomène qui semble propre à notre bonne vieille France est générateur d’énormes gâchis d’argent. On parle de centaines de millions d’euros ici, de belles sommes qui pourraient servir d’autres besoins… En tant de crise, notamment, il apparaît utile de communiquer sur ce sujet en dévoilant une réalité absurde à ceux qui ne la connaissent pas.
Les grandes entreprises, pour leurs besoins en développement informatique font appel à des sociétés de services (SSII) ou à des cabinets de recrutement déguisés en SSII. Le principe est simple : la société en question prospecte les DSI et se crée son fichier « client ». Ensuite, elle embauche de jeunes commerciaux qui s’y connaissent en informatique autant que je suis pilote de ligne mais qui ont un seul et même objectif en phase avec l’employeur : se remplir abondamment les poches.
La veille, il vendait des téléphones portables, aujourd’hui, il vend du bonhomme, du « pinpin » dans leur jargon. Le marché au bétail est ouvert : le petit commercial chasse le CV sur Monster et les envoie à ses prospects. Ainsi, un beau matin, ils ont débarqué dans le bureau du recruteur, tous deux endimanchés de leur plus beau costars cravate, le commercial aux cheveux gominés et la recrue sont motivés ! Java, C++, Delphi, COBOL, peu importe que le consultant ait de réelles compétences, il a été bien briefé : « tu es un expert ! »
Résultat ? Pour environ 350€ HT multiplié par le nombre de jours qu’il a effectué dans l’entreprise, cet “expert” aura codé avec ses moufles des strates de lignes ou collé des rustines improbables ajoutées à toutes celles de ses prédécesseurs. La recette technique révèlera un grand nombre de bugs et une application gigantesque, véritable usine à gaz, pour être gentil et poli.
Quel est l’impact technique, écologique, et humain ?
L’application rame tellement qu’on n’en finit plus d’ajouter des processeurs, de la RAM, et de nouveaux serveurs. De quoi faire les choux gras des constructeurs et générer une belle montagne de déchets (DEEE) fondamentalement inutiles. Ce gâchis a un coût écologique et financier important : émissions de CO2 inutiles, déchets inutiles, facture électrique salée, etc. De plus, une grande partie du temps de notre “expert” aura été consacrée à des passations de projets et autres transferts de compétences, engloutis dans le grand trou noir budgétaire. Ce savoir, au lieu d’être capitalisé s’est volatilisé avec le prestataire. C’est ainsi que s’échafaudent nos systèmes d’informations : instables, coûteux et polluants.
Quelles sont les victimes de cette vaste pantalonnade ?
1) L’entreprise : elle subit des coûts énormes, les prestations qu’elle obtient ne sont pas de qualité, son système d’information est instable et non fiable, les utilisateurs en souffrent,
2) Les professionnels de l’informatique : leur image est ternie, on essaie de les acheter à des prix qui ne leur permettent pas d’assumer leurs charges, ils subissent une concurrence déloyale,
3) La planète qui fait les frais de cette farce au prix d’émissions de CO2 inutiles et d’une production de déchets électroniques tout autant inutiles,
4) La France : qui va payer le chômage des informaticiens ?
Tout ça ce n’est pas « green » du tout il me semble… Quelles mesures adopter ?
1)Rétablir le dialogue entre professionnels et donneurs d’ordre des services informatiques et faire sauter le maillon faible : les entremetteurs qui font des marges honteuses pour 0 services,
2)Du côté des services achats, reconsidérer le problème et cesser d’acheter des prix mais des prestations,
3) Former nos ressources dans l’entreprise et leur permettre de progresser et de s’épanouir au sein de l’entreprise,
4) Comprendre que comme dans le bâtiment, il y a des compagnons, le développement informatique est un métier.
La rédemption et la sauvegarde de la planète passeront par ces mesures, comme l’ont compris depuis longtemps nos voisins anglais ou d’autres pays bien en avance sur nous…