Catégorie : Matériel

RFID et santé : agir face à l’incertitude

En mars dernier, l’Observatoire pour l’innovation responsable et un groupe de travail pluridisciplinaire constitué sous son égide organisaient à Télécom ParisTech la première conférence-débat transversale sur la technologie RFID (Identification par radiofréquences), ses impacts sociétaux potentiels, et les mesures à mettre en œuvre pour que cette technologie prometteuse, qui s’ouvre aujourd’hui aux usages grand public, puisse se déployer de manière responsable sans porter atteinte aux libertés de la personne, à la santé publique, ou à l’environnement.

Nous vous proposons ici une synthèse de la table ronde RFID et Santé : animée par Jean-Marc Galan (chercheur CNRS et co-producteur de l’émission radio « Recherche en cours »), avec la participation de Catherine Gouhier (secrétaire générale du CRIIREM), Olivier Merckel (chef de l’unité Agents physiques, nouvelles technologies et grands aménagements, ANSES), Guillaume Sacco (médecin, Centre d’innovation et d’usages en santé, CHU Nice), Danielle Salomon (sociologue, Risques & Intelligence), Claude Tetelin (directeur technique CNRFID), Joe Wiart (co-responsable WHIST Lab, Institut Mines-Télécom & Orange).

RFID et ondes électromagnétiques
Consacrée à l’impact sanitaire, positif et négatif, de la RFID, cette table ronde a traité à la fois des usages de cette technologie dans le domaine de la santé et de ses effets sanitaires liés à l’exposition des personnes à ses champs électromagnétiques. Les applications des RFID dans le domaine médical peuvent en effet engendrer des bénéfices considérables, en termes de rationalisation du parcours du patient, des processus d’hospitalisation et de soin, de traçabilité des produits sanguins et des échantillons (comme l’a expliqué le docteur Sacco du Centre d’Innovation et d’Usages en Santé de Nice).

S’agissant d’applications qui concernent majoritairement la traçabilité des objets et dont les bénéfices ne sont pas mis en question, le débat s’est rapidement déplacé sur le deuxième aspect de l’impact sanitaire des systèmes RFID. On est parti du constat de la rareté de données scientifiques spécifiques et de la difficulté de mener des études à ce sujet afin de qualifier le risque, chaque application méritant une analyse ad hoc (selon une recommandation de l’ANSES). D’ailleurs, dans un contexte aujourd’hui très favorable au développement des systèmes RFID, peu de moyens sont mobilisés pour étudier les risques à partir d’évaluations pluridimensionnelles. On a ainsi souligné la différence entre systèmes passifs (utilisés dans les usages grand public) et systèmes actifs (spécifiques des usages industriels), entre fréquences et puissances. Ces paramètres, tout comme les durées d’utilisation, doivent être pris en compte afin de caractériser l’exposition aux ondes électromagnétiques et d’en évaluer objectivement les implications sanitaires.

Les usages plus que l’étiquette
Finalement, ce n’est pas l’étiquette qui est en question mais la typologie du « champ », qui est fonction des usages et des caractéristiques de l’exposition. Ainsi, s’il n’y aurait pas à se faire de souci lorsqu’on soumet à lecture plusieurs fois par jour notre pass Navigo, il n’en est pas de même pour ces travailleurs dont le poste de travail est localisé en proximité d’interrogateurs devant lire de grandes quantités de tags à distance et de manière simultanée et continue. Le CRIIREM a cité le cas de certaines médiathèques où il est intervenu en faisant réduire la puissance d’émission des portiques suite à des plaintes du personnel.

Le débat s’est dès lors focalisé sur les précautions à prendre pour préserver la santé de ces travailleurs exposés en permanence, ainsi que sur les dispositions réglementaires – européennes et nationales – en vigueur et en préparation. On y a appris, d’une part, que les organismes concernés travaillent à la définition de bonnes pratiques visant à limiter l’exposition des personnes aux champs électromagnétiques, dans la logique de la proposition de loi débattue à l’Assemblée Nationale le 23 janvier 2014.

D’autre part, il a été souligné qu’une réflexion sur la RFID est absente dans ce projet de loi et que nombre d’industriels ont une faible connaissance du cadre réglementaire, à croire que cette technologie n’est pas invisible qu’aux yeux du citoyen. D’ailleurs, il a aussi été noté que, pour certains industriels, la conformité aux règles de compatibilité électromagnétique implique de facto une conformité aux règles d’exposition humaine aux ondes EM, ce qui n’est pas toujours le cas.
En fin de débat, deux voies d’innovation responsable ont été identifiées : une première, commune au débat précédent sur la vie privée, est celle de l’opportunité d’« éteindre » les radio-émetteurs lorsqu’ils ne sont pas en utilisation. La seconde concerne l’explicitation, dans le cadre des règles en cours d’établissement, des mesures que les opérateurs auraient à prendre pour limiter le plus possible l’exposition humaine aux champs électromagnétiques en question.

Retrouver l’intégralité des tables rondes ici : http://www.greenit.fr/article/materiel/la-rfid-a-l-epreuve-de-l-innovation-responsable-5218

Source : compte rendu de L. Draetta, F. Musiani, et D. Tessier, http://www.debatinginnovation.org/

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR) et le Club Green IT.

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