Catégorie : Matériel

Et l’informatique devint jetable

L’empreinte écologique des équipements informatiques et télécoms se concentre lors de leur fabrication et de leur fin de vie.

Pour réduire cette empreinte, il faut impérativement allonger la durée de vie active des équipements informatiques.

Or, en une génération, la durée de vie active des équipements électroniques a été divisée par 3. Un ordinateur de bureau était utilisé 10,7 ans en 1985 contre 2,5 ans en 2007 [1].

Cette obsolescence accélérée est due à plusieurs facteurs qui se conjuguent les uns avec les autres :
1. le prix d’acquisition en très forte baisse,
2. l’inflation des besoins de la couche logicielle [2],
3. la durée de la garantie technique constructeur,
4. la durée d’amortissement comptable.

Le prix d’acquisition divisé par 20 en 25 ans
Le prix est le principal facteur d’accélération du rythme de renouvellement des équipements. En 25 ans, le prix des ordinateurs a été divisé par plus de 20. Les prix ont été divisés par 5 entre 1988 et 1994 [3] puis par 10 entre 1995 et 2008 (avec une baisse moyenne du prix de -18,6 % par an entre 1995 et 2002 et environ -10 % par an entre 2002 et 2008 ) [4]. A titre d’exemple, un ordinateur portable haut de gamme de type Thinkpad T23 valait autour de 32 000 francs (environ 5 000 euros) en 2001. Un ordinateur portable bien plus puissant vaut moins de 500 euros aujourd’hui. [7]

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Figure 1 – Evolutions du prix des micro-ordinateurs – source : Insee – graphique : GreenIT.fr

Un taux d’équipement exponentiel
La chute phénoménale du prix d’acquisition s’est traduite par une très forte croissance du taux d’équipement. Les achats d’équipements électroniques ont été multipliés par 6 en France entre 1990 et 2007 [5]. La hausse des achats en TIC a été de 12,6 % en moyenne par an sur les 45 dernières années [6] !

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Figure 2 – Consommation des ménages globale et en TIC de 1960 à 2005, source : Insee

Du réparable au jetable
Cette croissance exponentielle du nombre d’unités vendues ne s’est accompagnée de mesures pour réduire l’empreinte des EEE cat. 3 que récemment. La prise de conscience de l’impact écologique des TIC n’a pas réellement eu lieu chez les particuliers. Pour preuve, entre 1990 et 2007, les dépenses consacrées à la réparation des équipements électroniques ont diminué de 40 % (encore plus dans l’informatique). Le nombre d’entreprises spécialisées a chuté de 22 % entre 2006 et 2009, confirmant la tendance des années précédentes.

Des durées d’amortissement toujours plus courtes en entreprise
Malgré une plus forte sensibilisation des entreprises, notamment via la directive européenne WEEE, ces dernières considèrent elles aussi les EEE cat. 3 comme des équipements jetables. Le faible coût d’acquisition de la dernière décennie s’est traduit par une durée d’amortissement comptable de plus en plus courte : de 5 à 10 ans au milieu des années 80 à moins de 3 ans au milieu des années 2000.

Des mesures simples pour inverser cette tendance
Ce modèle du « prêt à jeter » est souvent considéré avec fatalisme tant il semble ancré dans nos modes de vie. Quelques mesures simples suffiraient pourtant à inverser cette tendance :

Obliger / inciter les fabricants à :
– indiquer la durée de vie active de leurs équipements,
– proposer une durée de garantie adaptée,
– fournir des pièces détachées à un tarif décent x années après la dernière année de commercialisation,
– éco-concevoir leurs équipements, notamment en facilitant la mise à jour matérielle.

Inciter les éditeurs à :
– s’engager à ce que leurs logiciels fonctionnent pendants x années sans détérioration de leur performances (même après application de patch),
– supporter plus longtemps leurs logiciels (notamment dans le domaine professionnel),
– allonger le délai entre deux nouvelles versions.

Inciter fiscalement les organisations à :
– amortir leurs équipements IT sur une durée plus longue (par exemple 6 ans pour un ordinateur de bureau),
– favoriser l’achat d’équipements reconditionnés.

D’autres idées ?

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Sources :
[1] Guide pour un système d’information éco-responsable, Frédéric Bordage, WWF, 2011 – https://www.greenit.fr/sites/greenit.fr/files/WWF-GUIDE-NTIC_1.pdf
[2] Logiciels : la clé de l’obsolescence programmée du matériel informatique, Frédéric Bordage, GreenIT.fr, 2010 – https://www.greenit.fr/article/logiciels/logiciel-la-cle-de-l-obsolescence-programmee-du-materiel-informatique-2748
[3] Indice du prix de vente industriel des micro-ordinateurs, INSEE (identifiant 085029893) – http://www.volle.com/statistiques/primicro.htm
[4] Insee Première N°1101 – septembre 2006 – La consommation des ménages en TIC depuis 45 ans – http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1101&reg_id=0
[5] Insee
[6] Insee Première N°1101 – septembre 2006 – La consommation des ménages en TIC depuis 45 ans – http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1101&reg_id=0
[7] Cette configuration (Pentium III 900 MHz, 512 Mo de mémoire vive) n’est plus commercialisée que sous la forme de smartphone. A titre de repère, un smartphone Samsung S3 est 2 à 4 fois plus puissant qu’un PC portable haut de gamme d’il y a 10 ans.

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR) et le Club Green IT.

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