DEEE : + 500% d’ici 2020
Le 22 février dernier, la secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie, Chantal Jouanno, commentait le bilan des trois premières années – 2006 à 2009 – de la filière des DEEE (PDF) en France. En 2009, la collecte a atteint 371.000 tonnes d’équipements, soit 5,7 kg par habitant (contre 4,5 kg / habitant en 2008). L’objectif initial de la directive communautaire WEEE – 4 kg par habitant en 2006 – a donc été atteint. Fort de cette « réussite », les éco-organismes devront atteindre 10 % de taux de collecte en 2014. A titre de repère, nos voisins scandinaves annoncent des taux de collecte actuels atteignant déjà les 15 % ! Le taux de recyclage
semble également en ligne avec les objectifs communautaires puisque 81 % des DEEE ménagers collectés ont été recyclés en 2008. Avec 13 % d’équipements détruits et 5 % valorisés énergétiquement, les équipements ré-employés ou ré-utilisés en pièces reste marginaux.
Pas de quoi pérorer
Faut-il se réjouir de ces bons chiffres ? Pas vraiment. D’une part, un taux de 10% de collecte en 2014 signifie que, bien que fonctionnels, 9 ordinateurs sur 10 finiront encore dans une décharge en 2014. Le problème reste donc entier. D’autre part, plutôt que de privilégier le réemploi du matériel d’occasion reconditionné, les éco-organismes privilégient le recyclage, bien moins efficace d’un point de vue environnemental que le reconditionnement. Pourquoi ? Tout simplement parce que ce sont les fabricants et les distributeurs qui pilotent la filière DEEE (avec votre argent, cf éco-taxe). Ils n’ont donc pas intérêt à privilégier le réemploi qui s’oppose à leur modèle économique tournant autour de la fabrication et de la vente de produits neufs.
Exportations illégales de DEEE malgré Bâle
Par ailleurs, nombre de DEEE qui remplissent aujourd’hui caves et greniers finiront en Afrique ou en Asie. La convention de Bâle se montre en effet impuissante à contrôler les transferts illégaux des pays développés vers les pays en développement. L’ONG « Basel Action Network » dénonce ce « marché gris », instauré notamment par le biais du commerce en ligne, et qui tente de légaliser les transferts illégaux de DEEE en alimentant un secteur informel de recyclage dans les pays en développement.
18 fois plus de DEEE en Inde d’ici 2020
Avec 2,3 millions de tonnes par an, la Chine est déjà le deuxième pays producteur de DEEE dans le monde, juste derrière les Etats-Unis. Et parmi
11 pays en développement étudiés (Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud, Mexique, Colombie, Pérou, Maroc, Kenya, Ouganda, Afrique du Sud), un récent rapport (Recycling – From E-waste to ressources – PDF) du PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement) et de l’EMPA prévoit une explosion des quantités de déchets à traiter d’ici 2020 : + 500 % en Inde et + 400 % en Chine et en Afrique du sud pour les ordinateurs, ou encore 7 à 18 fois plus de déchets liés aux mobiles
respectivement en Chine et en Inde.
Dans son rapport, le PNUE souligne les risques pour la santé humaine et pour l’environnement, mais aussi la pression sur les ressources exercées par le secteur. L’ampleur du phénomène suscite l’inquiétude des institutions internationales pour lesquelles l’urgence est bien là, et la capacité à agir collectivement vitale. La viabilité économique – condition sina qua none de réussite – de la filière mondiale de traitement passe par une répartition de responsabilités différenciées des pays dans les différentes étapes du processus, collecte, tri/désassemblage et pré-traitement et traitement final. La Chine et l’Afrique du Sud constituent des exemples prometteurs pour la mise en oeuvre du cadre de transfert de technologies du PNUE. Dans les deux cas, le rôle du secteur informel et sa capacité à s’organiser de façon crédible restent cruciaux.
Penser global pour mieux agir localement semble une nécessité dans bien des domaines de l’environnement et le rapport n’ignore pas ces aspects. La segmentation proposée autour des différentes étapes du traitement des DEEE – tri et pré-traitement des déchets chez les uns, traitement final et extraction des ressources valorisables chez les autres -, bien qu’elle semble fondée et adaptée à chaque situation particulière, n’est pas sans risque, ni dans son acceptation ni dans sa mise en oeuvre. Une Organisation Mondiale de l’Environnement, similaire à l’Organisation Mondiale du commerce, pourrait donc être créée dans le cadre de la réforme générale de la gouvernance environnementale entreprise par l’Organisation des Nations Unies.
Quelles mines pour notre futur ?
Le rapport du PNUE évalue les émissions de CO2 liées à la seule production des métaux « rares » contenus dans les équipements à 23,4 millions de tonnes par an (1/1000 des émissions mondiales de CO2 ). Il confirme par ailleurs le coût environnemental moindre du recyclage de ces métaux – en l’état actuel de l’art – avec le cas concret de l’aluminium, dont le recyclage serait 10 fois moins gourmand en énergie et permettrait une économie de 2 kg de CO2 par kg d’aluminium recyclé. Selon les facteurs d ‘émissions du Bilan Carbone, le rapport entre les deux processus de production serait d’environ 4 en matière d’émissions de CO2 (2,4 kg de CO2 pour l’aluminium recyclé contre 10,6 kg de CO2 à partir de bauxite). D’où l’intérêt de transformer cette montagne de déchets en nouvelles « mines ».
La proposition de rapatrier finalement tous les déchets, une fois traités dans les pays en développement pour les exploiter et les valoriser dans les pays « développés » me rappelle un peu le schéma classique que nous avons déjà connu autour des minerais. Dans le contexte actuel de pression sur les ressources, mais aussi celui des annonces récentes de la Chine autour des terres rares, la proposition me semble un assez bon moyen de conserver indirectement la main sur les ressources . un peu comme la Chine confrontée à une pénurie d’eau et qui compense par une importation massive de produits agricoles.