Catégorie : Energie

Un iPhone consomme 388 kWh par an !

Un grand nombre de lecteurs et de lectrices de GreenIT.fr m’ont écrit en privé pour me demander pourquoi nous n’avons pas été les premiers à publier les chiffres clés repris dans cet article du Monde.

Il y est notamment affirmé que « les TIC pèsent, avec 1 500 teraWatt-heure d’électricité consommée par an, pour 10 % de la production mondiale » et « qu’un iPhone consomme davantage d’électricité qu’un réfrigérateur – 361 kiloWatt-heure par an en moyenne, contre 322 kW-h ». Deux chiffres qui en jettent !

Cependant, nous avons décidé de ne pas relayer cette information, pour trois raisons :

  • d’une part, l’article du Monde ne cite pas la bonne source. L’estimation de consommation électrique d’un iPhone n’a pas été publiée par le Digital Power Group dans son étude « The Cloud Begins With Coal » en août 2013, mais par Max Luke, associé au Breakthrough Institute, dans un article citant Mark Mills, CEO of Digital Power Group ;
  • d’autre part, l’auteur du calcul, comme le démontre JG. Koomey, n’est pas sérieux. Son étude est truffée d’erreurs. On ne peut que croire JG Koomey qui est le spécialiste mondial du sujet. Et qui, contrairement Mr Mills, n’est pas sponsorisé par l’industrie du charbon ;
  • enfin, le chiffre exact détaillé dans l’article du Breakthrough Institute est de 388 kWh / an et non 361 kWh / an. Les 361 kWh / an sont extrapolés d’une estimation d’AT Kearney qui n’a rien, elle aussi de solide. Bref, c’est un véritable château de carte construit à partir de données qui ne sont pas du tout homogènes (dont le mode de calcul, le périmètre, et la fiabilité varient dans des proportions déraisonnables)

Non. L’infrastructure (data center et réseau) nécessaire pour fournir le contenu à un iPhone pendant un an ne consomme pas 388 kWh par an. Non. Les TIC ne consomment pas « 1 100 à 1 800 TWh/an soit, 10 % de la consommation électrique mondiale annuelle ». En fait, on n’en sait rien. Et il faudrait de nombreux mois d’étude à des spécialistes pour pouvoir sortir un chiffre fiable, surtout à l’échelle mondiale.

Ce qui est hallucinant, c’est que de nombreux médias français dignes de ce nom comme Les Echos et Le Monde ont repris cette information sans enquêter. La crédibilité du Times, un des premiers grands médias à avoir relayé l’information, a suffi.

Il y a déjà quelques mois, les médias français avaient repris, sans réfléchir, le rapport sur l’obsolescence programmée d’un pseudo organisme européen. Ce rapport était en fait un mémoire de fin d’étude d’une stagiaire propulsée ainsi spécialiste du sujet. Problème, le rapport se bornait à compiler les cas connus d’obsolescence programmée passés à la télévision (Arte, France 2, etc.) tout en ajoutant de nombreuses contre-vérités et un description très personnelle des différentes formes d’obsolescence programmée.

L’équipe de GreenIT.fr (100 % bénévole) aimerait reprendre ces communiqués de presse sans réfléchir, comme le font les grands médias français. Nous passerions ainsi plus de temps avec nos familles. Mais notre déontologie nous l’interdit et nous oblige même, comme aujourd’hui, à justifier la non reprise de ces absurdités… Drôle de monde.

Frédéric Bordage

Expert en green IT, sobriété numérique, numérique responsable, écoconception et slow.tech, j'ai créé le collectif Green IT en 2004. Je conseille des organisations privées et publiques, et anime GreenIT.fr, le Collectif Conception Numérique Responsable (@CNumR) et le Club Green IT.

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